Les Houthis poursuivent leur offensive contre les médias

Un mois après la prise de la capitale Sanaa, et malgré la signature d’un accord de paix sous l’égide de l’ONU, les rebelles houthis poursuivent leur avancée vers le centre et le sud du Yémen, n’hésitant pas au passage à s’emparer des sièges de médias et à arrêter ou enlever des journalistes.

Cinq individus armés se revendiquant du mouvement houthi ont pris d’assaut, vendredi 17 octobre, le siège du média en ligne Aleshteraki, affilié au parti socialiste et situé à proximité de ses locaux à Sanaa. Ils ont enlevé un de ses journalistes, Badr Al-Qubaty, avant de le libérer quelques heures plus tard. Les dirigeants du mouvement houthi ont nié leur responsabilité dans cette attaque mais le journaliste a insisté sur le fait qu’il avait bien été enlevé et menacé de mort par le groupe rebelle. Badr Al-Qubaty a expliqué que l’affaire a été étouffée suite à un accord officieux entre les membres du parti socialiste et le groupe rebelle, qui s’est dépêché de présenter les coupables à la police tout en les accusant d’appartenir au clan rival des Al-Ahmar. Reporters sans frontières dénonce vivement les exactions contre des médias par le mouvement houthi au Yémen, accentuées depuis août 2014 et leur arrivée dans la capitale en septembre. “Nous condamnons ces attaques délibérées contre les médias et les journalistes qui constituent un danger réel pour la liberté de l’information et pour le processus de transition politique dans laquelle s’était engagé le pays, déclare Virginie Dangles, adjointe à la direction des programmes de l’organisation. Nous exhortons les autorités à conduire une enquête pour punir les responsables et prendre les mesures nécessaires pour protéger autant que possible les journalistes dans cet environnement instable”. Poursuivant leur offensive, les rebelles houthis ont pris le contrôle le lendemain de la radio gouvernementale Radio Ibb, après avoir endommagé sa façade suite à des tirs échangés avec des membres de tribus sunnites. Le générateur électrique de la radio ayant été touché, cette dernière a dû arrêter sa diffusion. Plus tard, une équipe de la chaîne BBC - composée des journalistes Sami Noaman et Safaa Al-Ahmad ainsi que du cameraman Mohamed Al-Mikhlafi - a été arrêtée par des membres du groupe houthi pendant quelques heures à Sanaa alors qu’ils effectuaient un reportage sur une des mosquées de la capitale. Selon le syndicat des journalistes, Sami Noaman et Safaa Al-Ahmad ont été menacés par les Houthis sous prétexte que les journalistes devaient demander leur autorisation pour filmer dans des endroits publics. Les militants houthis ont donc voulu confisquer la caméra même après que la vidéo a été supprimée par les journalistes. Ils ont toutefois réussi à récupérer la carte mémoire avant de la restituer quelques heures après avoir relâché les journalistes. Reporters sans frontières est vivement préoccupée par l’expansion houthie qui menace l’information libre et la stabilité du pays, profitant des failles sécuritaires et politiques pour monter en puissance. 52 exactions en un mois Freedom Foundation au Yémen a recensé plus de 52 exactions commises notamment par les rebelles houtis à l’encontre de journalistes et de médias, en l’espace d’un mois, depuis la prise de la capitale par les Houthis. 33 journalistes et acteurs de l’information et 19 médias ont été visés par le groupe rebelle, principalement à Sanaa. L’avancée des Houthis vers le centre du pays et le sud entraîne une augmentation des conflits entre le groupe et leurs rivaux sunnites du parti Al-Islah, affilié aux Frères musulmans et dirigé par le clan Al-Ahmar, en plus des tribus sunnites et d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA).
Publié le
Updated on 20.01.2016