Les autorités des pays de la région toujours inflexibles à l’égard des médias couvrant les mouvements de protestation pro-démocratiques

SYRIE

La campagne de répression lancée par les autorités syriennes contre les médias qui couvrent le mouvement de protestation populaire ne cesse de s’intensifier. Les arrestations se multiplient, les menaces et les intimidations également. Sans oublier la censure sur la Toile... Le journaliste et écrivain syrien Ammar Mashour Dayoub a été arrêté le 9 mai alors qu’il participait à une manifestation avec une centaine de personnes dans le square d’Arnous, au centre de la capitale. Les autorités syriennes ont également arrêté Malak Al-Shanawani, journaliste syrienne, le 9 mai. La correspondante du quotidien libanais Al-Safir, Ghadi Frances, a quant à elle été arrêtée à Damas le 7 mai dans l’après-midi. Aucune information n’a été donnée sur les raisons de cette arrestation. La journaliste, de nationalité libanaise, était arrivée une semaine auparavant pour couvrir les événements en Syrie. La veille de son arrestation, elle avait écrit un article intitulé “Homs, dans la rue, le sang, l’horreur et l’espoir“ (lire en arabe: http://www.assafir.com/Article.aspx?EditionID=1839&ChannelID=43281&ArticleID=572) Le journaliste libanais, Ghassan Saoud, qui collabore avec le journal libanais Al-Akhbar, considéré comme proche de la Syrie, a été brièvement interpellé le 6 mai dernier à proximité de la mosquée des Omeyyades à Damas. La tête couverte d’un sac plastique pendant son transfert à la section d’investigation militaire, il a reçu de nombreux coups de pieds et a été couvert d’insultes. Le journaliste avait écrit toute une série d’articles sur le soulèvement démocratique. Il avait réalisé des entretiens avec des figures de l’opposition politique syrienne, des jeunes, des activistes, et avait relayé leurs opinions. En outre, on est sans nouvelles de Jehad Jamal, activiste sur Facebook, connu sous le pseudo Milan. Reporters sans frontières rappelle que, le 3 mai dernier, le photographe Akram Darwish, a été arrêté à Qamishili, alors qu’il couvrait une manifestation de la minorité kurde dans la ville. Le 1er mai au soir, le journaliste syrien, Iyad Khalil, a été roué de coups dans la ville de Lattaquié. Alors qu’il s’était rendu au commissariat porter plainte, il s’est trouvé face à face avec un de ses agresseurs, appartenant aux forces de sécurité... (son témoignage a été publié sur Facebook). Le présentateur de la télévision nationale syrienne, Maher Deib, a quant à lui démissionné de ses fonctions pour protester contre la couverture des événements par la chaîne. L’organisation est soulagée d’apprendre la libération de Habib Saleh, détenu depuis mai 2008 (http://fr.rsf.org/syrie-trois-ans-de-prison-pour-le-16-03-2009,30589.html). Sont toujours détenus : - l’écrivain et journaliste syrien Omar Koush, depuis le 2 mai dernier (arrêté à l’aéroport de Damas après sa participation à une conférence en Turquie), - La journaliste américano-canado-iranienne Dorothy Parvaz d’Al-Jazeera, depuis le 29 avril dernier (arrêtée à son arrivée à l’aéroport de Damas) - voir la page Facebook demandant sa libération: http://www.facebook.com/FreeDorothy?sk=wall. Le journal gouvernemental Al-Watan déclare cependant que la journaliste aurait quitté le pays le 1er mai dernier “sans faire état de sa destination”. - Fayez Sara, journaliste et écrivain syrien, arrêté le 11 avril 2011, - Mohamed Zaid Mistou, journaliste norvégien, d’origine syrienne, arrêté le 7 avril, - Kamal Sheikhou, blogueur syrien, arrêté le 15 mars dernier. On est toujours sans nouvelles des journalistes Akram Abu Safi et Sobhie Naeem Al-Assal depuis le 24 mars dernier. (lire http://fr.rsf.org/bahrein-volonte-des-autorites-bahreinies-04-04-2011,39943.html) Par ailleurs, l’Electronic Frontier Foundation (EFF) a lancé, le 5 mai 2011, un avertissement aux utilisateurs syriens de Facebook : de faux certificats de sécurité, mis en place par le ministère des Télécommunications, auraient permis de récupérer les identifiants de plusieurs net-citoyens et militants présents sur Facebook. Des conversations privées auraient été enregistrées. Les internautes souhaitant se connecter à la version https du réseau social voient apparaître un message les avertissant que leur connexion n’est pas sécurisée. S’ils n’en tiennent pas compte et décident de rentrer leurs codes d’accès dans le leurre proposé, leurs conversations peuvent être surveillées, et leurs données personnelles volées. L’EFF affirme que le hacking est peu sophistiqué, mais incite les Syriens à utiliser des proxies basés à l’étranger ou à se connecter via le réseau Tor. Depuis, l’organisation a signalé que certains fournisseurs d’accès syriens bloquaient l’accès à Tor. Une autre option demeure l’utilisation de VPN (réseaux privés virtuels). Le New York Times signale de son côté des problèmes d’utilisation de téléphones satellitaires.

BAHREÏN

La situation des droits de l’homme et des défendeurs de la liberté de la presse au Bahreïn reste extrêmement préoccupante. Plusieurs journalistes ont été convoqués pour interrogatoire, parmi lesquels le photographe du quotidien Al-Wasat, Issa Ebrahim. Il a été convoqué le 5 mai et libéré plusieurs heures après. Sont toujours détenus: - Jasem Al-Sabbagh, rédacteur pour Al-Bilad, détenu depuis le 26 avril, - Abdullah Ashur, journaliste sportif pour Al-Watan, détenu depuis le 13 avril, - Abdullah Alawi, journaliste sportif pour Al-Bilad, détenu depuis avril. Par ailleurs, l’agence de presse du royaume du Bahreïn a annoncé la tenue du procès, le 8 mai dernier, devant une cour militaire, de vingt-et-un suspects poursuivis pour appartenance à des organisations terroristes et tentatives de renversement du régime. Les prévenus comptent parmi eux plusieurs militants des droits de l’homme et les blogueurs Abdul Jalil Al-Singace et Ali Abdulemam (jugé par contumace). Le procès ayant été ajournée, la prochaine audience a été fixée au 12 mai prochain. Abdeljalil Al-Singace, porte-parole et directeur du bureau des droits de l’homme du mouvement Al Haq pour les libertés civiles et la démocratie, a été arrêté le 16 mars dernier. Il avait déjà été arrêté en 2009 pour avoir prétendument lancé une campagne visant à déstabiliser le gouvernement. Il dénonçait sur son blog (http://alsingace.katib.org) les discriminations à l’égard des chiites, ainsi que l’état déplorable des libertés publiques dans son pays. AIl li Abdulemam, considéré par les net-citoyens du pays comme un pionnier d’Internet dans le pays, est un membre actif du BahrainOnline.org, forum pro-démocratique et bloqué au Bahreïn malgré ses 100 000 visiteurs par jour. Collaborateur du réseau mondial de blogueurs Global Voices, il est intervenu dans de nombreuses conférences internationales pour dénoncer les atteintes aux droits de l’homme à Bahrein. Il est actuellement jugé par contumace. Le militant des droits de l’homme Abbas Al-Omran, qui a obtenu le statut de réfugié au Royaume Uni il y a quelques années, a également été mis sur la liste de personnes recherchées. Cet activiste du Bahrain Center for Human Rights rend compte dans les médias internationaux des violations de droits de l’homme au Bahreïn. Mujtaba Salmat, blogueur et photographe, arrêté le 17 mars 2011 (http://fr.rsf.org/bahrein-les-autorites-des-pays-en-proie-a-11-04-2011,40004.html) pour avoir couvert les manifestations de la place de la Perle et en avoir diffusé les photos sur Facebook, a été libéré le 27 avril dernier. En outre, le quotidien d’opposition Al-Wasat a annoncé, dans son édition du 8 mai, qui avait pourtant été précédemment annoncée comme étant la dernière, son intention de continuer à paraître. Le conseil d'administration est revenu sur sa décision de fermer le journal. Accusé d’avoir commis de “graves abus”, en diffusant des informations fausses et mensongères, portant atteinte à l’image et à la réputation du pays, le journal avait été fermé par le ministre de l’Information le 3 avril 2011, puis de nouveau autorisé à paraître le lendemain. Toutefois, trois de ses principaux journalistes avaient été contraints de démissionner : le rédacteur en chef, Mansour Al-Jamari; le directeur de publication, Walid Nouihid, et le responsable des pages d’informations locales Aqil Mirza. Depuis, de nombreux collaborateurs du journal ont été arrêtés. (lire http://fr.rsf.org/bahrein-volonte-des-autorites-bahreinies-04-04-2011,39943.html)

KURDISTAN IRAKIEN

Dans un article publié le 7 mai dernier, le rédacteur en chef de Lvin Magazine, Ahmed Mira, rapporte avoir été directement menacé de mort, le 24 avril dernier, à 19h46 (heure locale), par le ministre des Peshmergas, Sheikh Jaafar Mustafa. Ce dernier dément avoir menacé le journaliste, ce malgré l’enregistrement de la conversation. De telles menaces s’inscrivent dans le cadre général d’une campagne de répression lancée par les autorités contre les journalistes et les médias qui couvrent le mouvement de protestation populaire, qui agite la région autonome du Kurdistan irakien depuis la mi-février dernier. Toutefois, c’est la première fois, qu’un professionnel de l’information est directement menacé par une personnalité politique, un ministre en exercice. Les autorités doivent sanctionner les auteurs de telles menaces. Au lendemain de ces menaces, Ahmed Mira avait demandé au Premier ministre du KRG, Dr Barham Salih, d’ouvrir une enquête.

YEMEN

Le 8 mai au matin, des baltajiya (casseurs) à la solde du régime ont pris à partie, rue Al-Zabiri à Sanaa, devant le ministère de la Jeunesse et des Sports, le distributeur du journal Al-Tajamou’ et ont confisqué les exemplaires destinés à la distribution. Passé à tabac, Ali Iskander a été menacé d’avoir la langue coupée. Les milices ont averti qu’elles attaqueraient que le siège du journal s’il continuait à publier des articles contre le président Ali Abdallah Saleh. Le journaliste Abdelhafez Ma’joub a été arrêté, le 6 mai dernier, au check-point de Bagel à l’entrée du gouvernorat d’Al-Hodeidah alors qu’il revenait de Sanaa. Son téléphone portable a été confisqué. Il a été libéré le lendemain, dans la soirée.
Publié le
Updated on 20.01.2016