Les assassins d'un journaliste jugés par une assemblée traditionnelle

30.01.2003 Les meurtriers présumés du journaliste Sahid Soomro, abattu en octobre 2002, ont comparu, le 28 janvier 2003, devant une Jirga (assemblée traditionnelle) de Kandhot, dans la province du Balouchistan (sud-est du Pakistan). Suite à la plainte déposée par le frère de la victime contre Wahid et Mohammed Ali, désignés comme les principaux responsables du meurtre, plusieurs personnes influentes de la région avaient proposé à la famille de Sahid Soomro de porter l'affaire devant une assemblée privée, plutôt que devant un tribunal ordinaire. Cette Jirga a été présidée par Sardar Sunder Khan Sundrani, un membre influent du clan Sundrani. Illahi Bux Soomro, ancien député, des journalistes locaux et d'autres notables ont également participé aux délibérations. Au terme de l'assemblée, la veuve et les cinq enfants du journaliste assassiné se sont vus attribuer un dédommagement de 1,65 million de roupies (plus de 25 000 euros), dont un tiers en tant que compensation spéciale pour "crime de journaliste". Dans cette région du Pakistan, il est d'usage de résoudre les conflits, y compris les affaires de meurtres, au sein d'assemblées traditionnelles, afin d'éviter de trop lourdes peines aux coupables. ------------------------------------- 24.10.2003 Un journaliste abattu devant son domicile à Kandhkot Reporters sans frontières a condamné l'assassinat de Shahid Soomro, correspondant du quotidien en langue sind Kawish, et exprimé toute sa volonté de voir l'enquête aboutir. "Au regard de cet assassinat de sang froid, on ne peut que s'inquiéter de la conception de la iberté d'expression que se font certains supporters des partis politiques. Il s'avère donc d'autant plus urgent d'éclaircir cette affaire dramatique, au risque de voir les responsables de cet assassinat impunis. A cet égard, nous demandons au gouvernement pakistanais de mettre en œuvre tous les moyens possibles et nécessaires à une conclusion de l'enquête", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l'organisation, dans une lettre adressée au ministre fédéral de l'Intérieur, Moin-ud-din Haider. L'organisation de défense de la liberté de la presse a par ailleurs demandé à être tenue informée des avancées des investigations. Shahid Soomro a été abattu devant sa maison de Kandhkot, dans la localité de Mirzanpur, au sud-est du Pakistan, dans la nuit du 20 au 21 octobre. Selon Ahmed Raza, correspondant du Daily Times à Hyderabad, des individus se sont présentés devant le domicile de Shahid Soomro le 20 octobre aux alentours de minuit, et l'ont interpellé pour que celui-ci sorte de la maison. Une fois le journaliste dehors, ils ont tenté de le kidnapper, mais devant sa résistance, ont ouvert le feu avant de s'enfuir à bord d'un véhicule. Grièvement blessé à l'abdomen et dans un état jugé critique, Shahid Soomro est décédé lors de son transfert à l'hôpital. Les motifs de ce meurtre ne peuvent, pour l'instant être avancés avec certitude, mais il pourrait être lié aux articles que le journaliste avait publié pendant la récente campagne des élections législatives. Une plainte a été déposée par Aziz Soomro, frère de la victime. Les responsables de l'assassinat seraient au nombre de cinq, dont Wahid Ali Bijarani, Mohammad Ali Bijarani, et Mohammad Bajkani. La police a d'ores et déjà mis Mohammad Ali Bijarani en état d'arrestation. Wahid et Mohammad Ali appartiennent à une famille d'élus locaux bien implantée dans la région. Ils sont frères de Mir Mehboob Bijarani, récemment élu à l'assemblée provinciale pour Kandhkot d'une part, et neveux de Mir Hazzar Khan Bijarani, anciennement ministre fédéral et élu de l'assemblée nationale sous l'étiquette Pakistan Peoples Party Parliamentarians (PPPP) d'autre part. Ces liens de parenté étroits sembleraient attester d'une éventuelle relation entre le meurtre de Shahid Soomro et certains de ses articles sur les abus commis pendant la campagne des élections générales qui auraient irrité Mir Mehboob Bijarani. Néanmoins, seule l'avancée de l'enquête pourra apporter les confirmations nécessaires. Shahid Soomro était âgé de vingt-six ans. Il laisse une veuve et deux enfants.
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Updated on 20.01.2016