L’épouse de l’éditeur de Dosh victime d’une violente agression à Moscou

Reporters sans frontières est consternée par la violente agression dont a été victime Madina Dudueva, le 4 octobre 2011 à Moscou. Comme l’organisation vient de l’apprendre, l’épouse de l’éditeur de Dosh, Abdulla Duduev, a été frappée à la tête et à la nuque par des inconnus sur le chemin du jardin d’enfants. Elle a chuté et perdu connaissance, avant d’être transférée dans un hôpital de Moscou où les médecins ont diagnostiqué un traumatisme crânien. Madina Dudueva en est sortie deux jours plus tard, et se trouve toujours dans un état de choc. Ni elle ni son mari ne veulent commenter ce qui s’est produit. « Il ne fait aucun doute que l’agression de Madina Dudueva est liée à l’activité professionnelle de son mari. Elle marque ainsi le point culminant d’une série de menaces dont les proches d’Abdulla Duduev et Israpil Shovkhalov font l’objet depuis plusieurs mois. Ne parvenant pas à faire taire les journalistes directement, leurs auteurs ont donc décidé de s’en prendre à leurs proches. Cette technique d’intimidation, pour répandue qu’elle soit dans le Caucase russe en particulier, n’en demeure pas moins lâche et intolérable », a déclaré Reporters sans frontières. Le rédacteur en chef de Dosh, Israpil Shovkhalov, a confirmé à l’organisation que son collègue et lui-même sentaient depuis plusieurs mois qu’ils faisaient l’objet d’une surveillance constante. Au cours de la dernière année, Abdulla Duduev a trouvé à plusieurs reprises des micros dans son appartement. Les menaces, que les deux journalistes reçoivent depuis plusieurs années sous la forme d’appels téléphoniques anonymes, d’emails ou d’« avertissements » auprès de leurs amis, ont eu tendance à cibler de plus en plus souvent leurs familles. Le 9 mars 2011, des inconnus ont dessiné une croix gammée sur la porte du domicile d’Abdulla Duduev. Quatre jours plus tard, Madina Dudueva a été une première fois prise à partie sur le chemin du jardin d’enfants, par trois jeunes inconnus qui l’ont violemment insultée avant de lui demander « pourquoi elle faisait des enfants à ce noir ». Très effrayée, la jeune femme est partie vivre quelques mois dans une ville éloignée avec ses deux enfants en bas âge, dans l’espoir que les choses se calment. Jusqu’à l’agression du 4 octobre. A l’été 2010, la mère d’Israpil Shovkhalov, hospitalisée à Grozny (Tchétchénie) pour une forme sévère de diabète, s’est vue expliquer par des médecins qu’« elle pourrait être bien mieux soignée si son fils travaillait dans l’intérêt de sa république, et non contre elle ». Transférée à Moscou, elle a dû y rester hospitalisée quatre mois de plus tant son traitement initial était mauvais. Quelques mois plus tard, des inconnus se sont présentés au domicile de son frère pour lui demander d’« arrêter Israpil avant qu’il ne soit trop tard ». A la question de savoir qui pouvait se trouver derrière ces manœuvres d’intimidation, Israpil Shovkhalov a répondu à Reporters sans frontières que plusieurs pistes étaient envisageables, mais qu’il se refusait à les mentionner publiquement de peur de mettre ses proches encore plus en danger. « Nous sommes réellement inquiets pour nos collègues et leurs familles. Nous demandons aux forces de l’ordre de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour retrouver les agresseurs de Madina Dudueva et mettre un terme aux agissements de ceux qui menacent les journalistes. La communauté internationale ne doit pas non plus rester insensible. Elle a le pouvoir de contribuer à la protection des journalistes et de leurs proches, en leur délivrant des visas à entrées multiples, leur permettant de se mettre rapidement à l’abri en cas d’alerte imminente, ou en faisant part de leur préoccupation aux autorités russes », a conclu l’organisation. Les journalistes indépendants et défenseurs des droits de l’homme travaillent sous une tension persistante en Russie et dans le Caucase du nord en particulier. Le courage et le professionnalisme de l’équipe de Dosh ont été récompensés par le Prix de Reporters sans frontières en 2009, dans la catégorie Médias. En Tchétchénie et en Ingouchie, le magazine est l’une des très rares voix rendant compte des violations persistantes des droits de l’homme par les forces de l’ordre, de l’étendue de la corruption, ou encore des disparitions forcées. En janvier 2001, Israpil Shovkhalov et Abdulla Duduev s’étaient fait violemment passer à tabac, à Moscou, par des inconnus leur reprochant d’avoir critiqué le président tchétchène d’alors, Akhmat-Khadji Kadyrov. Lire l’interview accordé à RSF par Abdulla Duduev et Israpil Shovkhalov en janvier 2011
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Mise à jour le 20.01.2016