Le quotidien Daily News face aux foudres judiciaires de l'ancien ministre de l'Information

Reporters sans frontières condamne le harcèlement procédurier dont sont victimes le quotidien indépendant Daily News et sa société éditrice, l'Associated Newspapers of Zimbabwe (ANZ), qui publie ce journal. Jonathan Moyo, ancien ministre de l'Information, poursuit le quotidien, représenté par le journaliste Thelma Chikwanha et le rédacteur en chef Stanley Gama, pour des articles publiés les 6 et 7 septembre 2011, reprenant des câbles diplomatiques diffusés quelques jours plus tôt par Wikileaks. Ces câbles révélaient les déclarations faites par l'ancien ministre à des diplomates américains. Ce dernier exige 100 000 US dollars de dommages et intérêts. "Le Daily News n'a fait que relayer et commenter des informations véridiques et désormais accessibles à tous, à travers Wikileaks. Ses journalistes ont mené un travail d’investigation journalistique sérieux, en se fondant sur des informations certes dérangeantes mais d’ores et déjà publiques. Vexé que ses confidences soient révélées au grand jour, Jonathan Moyo s'acharne contre ce journal local qui n'a jamais été en odeur de sainteté auprès de lui. Les accusations de l’ancien ministre sont graves et infondées, la somme demandée est exorbitante. Elles cherchent à décourager les journalistes et à étouffer financièrement le quotidien", a déclaré Reporters sans frontières. Dans un article intitulé "Les plans de Moyo pour évincer Mugabe" (Moyo's plans to oust Mugabe), le Daily News révèle que Jonathan Moyo s’est entretenu avec des diplomates américains et a cautionné les politiques de sanctions économiques imposées par les Etats-Unis et les pays occidentaux à l'encontre de l'entourage du Président, atteint d’un cancer. Le lendemain, le Daily News a publié un autre article intitulé "Moyo a conseillé les Etats-Unis sur les sanctions anti Zanu-PF" (Moyo advised US on Zanu-PF sanctions list), selon lequel l'ancien ministre aurait même suggéré des noms de membres du Zanu-PF au gouvernement américain. Tout en confirmant avoir rencontré les diplomates américains et sans démentir le contenu des câbles Wikileaks, l'ancien ministre s'est cependant plaint de l'utilisation de ces informations diplomatiques par le journal. Selon lui, certains passages des articles seraient "arbitraires, déloyaux, faux, scandaleux et diffamatoires." Il prétend que les articles du journal lui attribuent un rôle prédominant dans l'élargissement de la liste des sanctions et le font passer pour "un lâche" aux yeux du gouvernement. La Haute Cour a donné dix jours au journal pour indiquer ses intentions dans la perspective du procès. Un représentant du Daily News a confirmé à Reporters sans frontières que le journal resterait sur ses positions. En mai dernier, alors que le Daily News venait de reprendre sa parution après sept ans d'interdiction, Jonathan Moyo avait déjà porté plainte contre le quotidien pour reproduction abusive d’articles écrits lors de son éviction du Zanu-PF, en 2005. Il avait demandé un dédommagement de 60 000 dollars . Ce procès intervient deux jours après que le ministre des Médias, de l'Information et de la publicité, Webster Shamu, a proféré des menaces, le 13 septembre 2011, contre les médias privés et étrangers, menaçant d'annuler leurs licences s'ils continuaient ''d'abuser de leurs privilèges journalistiques en dénigrant et en vilipendant le pays" . Photo : Jonathan Moyo (AFP / Alexander Joe)
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Mise à jour le 20.01.2016