Le propriétaire d’une radio indépendante accusé d’avoir organisé une insurrection sécessionniste

Reporters sans frontières et le Centre cambodgien pour les médias indépendants condamnent fermement l’arrestation du propriétaire de la station radio Beehive, Mam Sonando, le 15 juillet 2012 à Phnom Penh. Ce journaliste, âgé de 71 ans, est accusé d’être l'instigateur de manifestations citoyennes contre des réquisitions de terres par le gouvernement. "Nous demandons au gouvernement de faire toute la lumière sur les charges qui pèsent officiellement contre ce journaliste. Cette arrestation sonne comme une claque, quelques jours seulement après la clôture du sommet de l'ASEAN. Aussitôt les diplomates partis, les autorités cambodgiennes arrêtent les voix dissidentes”, ont déclaré le Cambodian Center for Independent media et Reporters sans frontières. “L'arrestation de ceux qui se font la voix des défenseurs des droits de l'homme, montre que certains sujets, notamment la plainte déposée devant la Cour pénale Internationale par des activistes cambodgiens, sont sensibles et que le pouvoir n'a pas l'intention de rester passif face à leur médiatisation”, ont ajouté les deux organisations. Le 15 juillet 2012, vers 9 heures du matin, Mam Sonando, propriétaire de la radio indépendante Beehive (en khmer : Sambok Khmum - 105 FM), a été arrêté par une vingtaine de policiers en civil à son domicile de Phnom Penh. Le mandat d'arrêt, délivré par la Cour municipale de Phnom Penh, l’accuse d’"insurrection" et d’"incitation à prendre les armes contre l'État", lors d’une rébellion à la mi-mai 2012, dans le but de créer un “État dans l’État”. Selon son avocat, Sok Sam oeun, il encourt une peine de prison allant de 7 à 15 ans. Suite à une audience devant la Cour municipale de Phnom Penh, le 16 juillet 2012, le journaliste a été transféré à la prison de Pey Sor, dans la banlieue de la capitale. Il pourrait y rester 6 mois, en détention provisoire. Entre le 15 et le 17 mai 2012, les habitants du village de Broma (province de Kratie, Sud-Est) ont manifesté pour protester contre un ordre du gouvernement d’exproprier des villageois de leurs terrains au profit d'une usine étrangère. Soulèvement maté par une violente répression de la part des forces de l’ordre et qui s'est soldé par la mort d’une jeune fille de 14 ans. Le 26 juin, dans un discours public, le Premier ministre Hun Sen a appelé à l’arrestation de Mam Sonando, et un mandat d'arrêt a été émis, le 2 juillet, par le Tribunal de la province de Kratie. Le journaliste était, au moment de l’insurrection, à l’étranger, afin de rencontrer le collectif cambodgien ayant porté plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) contre le premier ministre, en raison des manquements aux droits de l'homme dans le pays. L’appel de Hun Sen à l’arrestation du journaliste survient le lendemain de la diffusion par la radio Beehive d’un reportage sur cette plainte déposée à la CPI. Pa Nguon Teang, directeur du Centre cambodgien pour les médias indépendants, a déclaré à Reporters sans frontières: "L'arrestation de Mam Sonando est liée à son activité radiophonique car il se servait de la radio pour permettre à des millions de Cambodgiens de s'informer. Il est devenu un personnage très influent. Le fait qu’il soit accusé par le gouvernement cambodgien en tant que président de l'Association démocrate, de séparatisme, est une fausse excuse." Il a également ajouté: "Le mouvement de protestation gronde de plus en plus à l'encontre du gouvernement sur beaucoup de questions. Les autorités ont essayé de réduire les citoyens au silence le plus rapidement possible. Mam Sonando est l'un des protagonistes les plus vocaux et le fait de posséder une radio indépendante en fait une cible pour le gouvernement. Si ses actions ne sont pas illégales, son arrestation, elle, l'est totalement". Contacté par Reporters sans frontières, Ou Virak, directeur du Centre Cambodgien pour les droits de l'homme (CCHR), a expliqué que "l’arrestation de Mam Sonando est directement liée à son activité de journaliste radio. Beehive est la seule radio au Cambodge à diffuser des dans programmes dans lesquels des partis d'opposition et des organisations de la société civile peuvent s’exprimer librement. C'est une atteinte majeure à la liberté d'expression". L'arrestation de Sonando intervient juste après la clôture du “Regional Forum of the Association of Southeast Asian Nations (ASEAN)”, qui s’est tenu du 9 au 13 juillet à Phnom Penh. En 2003 puis 2005, Mam Sonando avait été arrêté pour "diffamation", "désinformation" et "incitation au crime".
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Mise à jour le 20.01.2016