« Le processus de paix doit passer par la liberté de la presse »

Des représentants de Reporters sans frontières étaient présents le 22 avril 2013 à la Cour d’assises de Silivri (banlieue nord d’Istanbul), pour observer les audiences qui se sont tenues dans deux procès lourds de conséquences pour la liberté de l’information en Turquie : le procès du « comité des médias » de l’Union des Communautés du Kurdistan (KCK) et celui des membres présumés du réseau ultranationaliste Ergenekon. « Nous sommes ici pour manifester à nouveau notre soutien aux journalistes emprisonnés du fait de leurs activités professionnelles, et pour rappeler que la Turquie détient à l’heure actuelle un triste record mondial en la matière. Nos confrères kurdes sont en détention préventive depuis déjà plus de quinze mois ; Mustafa Balbay et Tuncay Özkan le sont depuis maintenant cinq ans. La prolongation de leur détention est intolérable », a déclaré l’organisation. « A l’heure où des négociations de paix historiques sont ouvertes entre le gouvernement et la rébellion kurde du PKK, la liberté de l’information fait partie de la solution. Les réformes engagées doivent être menées jusqu’au bout, jusqu’à ce toutes les dispositions liberticides aient été expurgées de la législation turque et que les professionnels des médias n’aient plus à craindre d’être jetés en prison pour n’avoir fait que leur métier. » Le responsable du bureau Europe et Asie Centrale de RSF, Johann Bihr, et le représentant de l’organisation en Turquie, Erol Önderoglu, ont tenu devant le Palais de justice une conférence de presse commune avec la plateforme « Liberté aux Journalistes » (GÖP), composée d’Ercan Ipekçi, président du Syndicat des journalistes (TGS), Recep Yasar, membre du conseil administratif de l’Association turque des journalistes (TGC) et Kaan Karlioglu, secrétaire général du Conseil de la Presse. Une délégation de députés belges composée de Jean-Claude Defossé (ECOLO), André du Bus de Warnaffe (CDH) et Fatoumata Sibidé (FDF), ainsi que le syndicaliste allemand Joachim Legatis (DJU), ont dénoncé le maintien en détention des prévenus et appelé la communauté internationale à faire pression sur les autorités turques. La députée kurde du BDP Sebahat Tuncel, le peintre Bedri Baykam ainsi que le célèbre avocat Turgut Kazan, assistaient également aux procès. La 12e audience du procès du « comité des médias du KCK » s’est poursuivie avec la lecture du résumé d’un nouvel acte d’accusation concernant les collaborateurs de médias Ismet Kayhan et Mikail Barutçu, accusés de faire partie des dirigeants du KCK. Ce nouveau document porte le nombre des accusés à 46, dont 26 sont à ce jour en détention préventive. Pour la première fois, les prévenus ont été autorisés à répondre aux contrôles d’identité et à assurer leur défense en langue kurde. « Nous ne nous considérons pas comme des accusés. Ce dossier a été élaboré de concert par l’exécutif, les médias et les procureurs », a affirmé Ertus Bozkurt au nom de tous les prévenus. Le ministère de la Justice a rejeté la demande de l’avocat Sinan Zincir de faire transférer les journalistes détenus dans la prison de Kandira à Izmit (100 km au sud d’Istanbul) vers celle de Silivri, où se tient le procès. Une institution universitaire a fait savoir à la cour que le détenu Ismail Yildiz assistait à un examen à Malatya en 2001, au moment où on le suspecte de s’être rendu dans un camp du PKK au Mont Kandil, dans le nord de l’Irak. L’audience se poursuivra jusqu’au vendredi 26 avril, date à laquelle la cour se prononcera sur les demandes de remise en liberté. Les observateurs partagent l’espoir de voir les journalistes détenus libérés, un geste qui serait cohérent avec les négociations en cours entre le gouvernement turc et le PKK. Le conflit, qui dure depuis 1984, a fait plus de 30 000 morts parmi les forces armées turques, les militants du PKK et les civils. RSF a par ailleurs suivi le procès de Mustafa Balbay et de Tuncay Özkan, en détention préventive depuis cinq ans sous l’accusation d’avoir collaboré avec la mouvance « Ergenekon », soupçonnée de complot contre le gouvernement du Parti de la Justice et du Développement (AKP). Le procès se poursuit avec les plaidoiries des accusés. Les avocats de la défense avaient dernièrement quitté la salle d’audience, afin de protester contre la restriction imposée par la cour à la durée des plaidoiries. Le tribunal avait ensuite porté plainte contre les avocats. Image : Ozan Koze / AFP
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016