Le procès des 25 militants jugés au Bahreïn à nouveau ajourné, dix-neuf avocats démissionnent

La sixième audience du procès des 25 militants des droits de l’homme et membres de l’opposition actuellement jugés au Bahreïn, qui s’est ouverte le 6 janvier 2010, s’est soldée, une fois encore, par un ajournement au 13 janvier prochain, les accusés refusant toujours de collaborer avec les avocats commis d’office. Dix-neuf d’entre eux ont d’ailleurs démissionné, suite au refus de coopération de leurs clients. Le juge doit nommer de nouveaux avocats d’ici la prochaine audience. -------------------------------------------------------------------------------------------- Le procès d'Ali Abdulemam et d'Abdeljalil Al-Singace à nouveau ajourné
23.12.2010 La cinquième audience du procès des 25 militants s’est ouverte le 23 décembre 2010. La séance s’est soldée par un ajournement au 6 janvier prochain. La situation semble être dans une impasse juridique: les accusés ont refusé de coopérer avec leurs avocats, commis d’office suite à la démission générale des représentants de la défense, le 9 décembre dernier, en signe de protestation contre une violation de la loi. Le tribunal refuse en effet d’enquêter sur les allégations de torture formulées par les détenus, bafouant l'article 186 du code pénal. La manière dont le procès pourra reprendre, en janvier prochain, reste incertaine, les détenus n’ayant plus, pour le moment, d’avocats avec lesquels ils acceptent de coopérer. ------------------------------------------------------------------------------------------- Les avocats des 25 militants jugés au Bahreïn se retirent en signe de protestation
09.12.2010 La quatrième audience du procès de 25 militants de l’opposition et des droits de l’homme, dont les blogueurs Ali Abdulemam et Abdeljalil Al-Singace, s’est tenue le 9 décembre 2010. Suite aux refus réitérés des autorités de tenir compte des allégations de tortures formulées par les détenus, les avocats des militants ont démissionné collectivement. Leur décision s’appuie sur l’article 186 du code pénal qui impose la suspension d’un procès lorsque des actes de torture sont dénoncés, et ce jusqu’à ce qu’une enquête soit réalisée. Au cours du procès, Jalila Al-Sayed, l’une des avocates de la défense, a ainsi déclaré, au nom de ses pairs : "Nous nous retirons puisque le tribunal ne tient pas compte de nos demandes d'enquête sur les allégations de tortures. Nous considérons maintenant que ce procès est injuste et contraire aux normes internationales, et nous refusons d’en faire partie." Le procès a été ajourné au 23 décembre 2010. Les autorités ont à nouveau empêché plusieurs personnalités d’entrer dans le tribunal : Mohamed Maskati, le président de la Bahrain Youth Society for Human Rights, Ghada Jamsheer, militante féministe des droits de l’homme, Ebrahim Sherif, président de la National Action Society, Abdulnabi Alekri, président de la Bahrain Transparency Society et Dr Abdulhadi Khalaf, écrivain, ancien membre du Parlement. Certains membres des familles des prévenus se sont également vu refuser le droit d’entrer. Cependant, des représentants de l’Arab Network for Human Rights Information (ANHRI), ainsi qu’Ahmed Mansour du réseau international pour la liberté d’expression (IFEX) et l’avocat Matthew Moriarty, ont pu assister au procès, aux côtés de quelques médias locaux. Un important dispositif de sécurité, comprenant notamment une surveillance par hélicoptères, avait encore une fois été déployé. ----------------------------------------------------------------------------------------- Un militant des droits de l’homme de renom harcelé à la veille d’un procès sous haute tension 08.12.2010 Reporters sans frontières dénonce l’interpellation, le 2 décembre 2010, de Nabeel Rajab, président du Bahrain Center for Human Rights, pendant plus d’une heure par des agents de la sécurité nationale, à l’aéroport de Manama, alors qu’il s’apprêtait à partir pour la Grèce. Avant d’être relâché, il a fait l’objet de menaces. Son ordinateur personnel et son téléphone portable lui auraient été confisqués et les données informatiques de son matériel, notamment des documents personnels, auraient été copiées sans aucune décision légale. Nabeel Rajab subit un harcèlement sans relâche depuis des années de la part des autorités, en raison de son engagement pour les droits de l’homme. Cet automne, une campagne de diffamation a été lancée à son encontre dans la presse. Son portrait avait été publié à la une de journaux gouvernementaux, avec la mention “terroriste”. Nabeel Rajab et ses proches seraient également sur écoutes. Les autorités se seraient en effet servies de propos privés pour le déstabiliser lors des différents interrogatoires auxquels il a fréquemment dû se soumettre. La pression qu’il subit est tant morale que physique. En effet, en 2005, alors qu’il participait à une manifestation contre le chômage, il avait été grièvement attaqué par les Forces Spéciales, ce qui lui avait valu une hospitalisation pendant deux semaines. Cette nouvelle provocation à l’égard d’un militant des droits de l’homme, qui bénéficie d’une reconnaissance nationale et internationale, intervient à la veille de la nouvelle audience du procès de militants des droits de l’homme et proches de l’opposition. Parmi eux, les blogueurs Ali Abduleman et Abdeljalil Al-Singace, dont Reporters sans frontières a demandé la libération (v.article). Le 25 novembre dernier, au cours de la troisième audience de ce procès qui s’est ouvert le 28 octobre 2010, Mohamed Habib Al-Miqdad, seul détenu à prendre la parole pendant l’audience, a déclaré que tous les accusés avaient été soumis à des actes de torture, des chocs électriques ou des insultes. Il a nommément mis en cause Badr Al-Ghaith, l’un des bourreaux d’Abdeljalil Al-Singace. Il a souligné que suite à leurs révélations sur les actes de torture dont ils avaient été victimes au cours des audiences précédentes, leurs geôliers ont redoublé de violence, en guise de “punition”. Sur la base de l’article 185 du code pénal du Bahreïn, les avocats de la défense ont exigé que des rapports médicaux indépendants soient établis suite aux allégations de torture. Ils ont apporté la preuve que le ministre de l’Intérieur reconnaissait qu’au moins quatre officiers se seraient livrés à des actes de tortures par chocs électriques sur un détenu, en fournissant à la cour une publication citant le ministère. La défense a demandé la suspension du procès, en s’appuyant sur l’article 186, qui impose l’arrêt d’un procès lorsque de tels actes sont dénoncés, jusqu’à ce qu’une enquête ait été réalisée. Les avocats ont également réclamé l’amélioration des conditions de détention. Si les militants ont été transférés dans un nouveau centre de détention entre les deux dernières audiences, leur situation n’a cependant pas changé. Lors de cette troisième audience, Nabeel Rajab, mais aussi Ghada Jamsheer, militante des droits de la femme, Abdulnabi Al-Ekri, président de la Société du Bahreïn pour la transparence (Bahrain Transparency Society), et une équipe de la chaîne de télévision britannique BBC (dont la caméra avait été confisquée dès leur arrivée à l’aéroport) et des membres de la famille des accusés se sont vus refuser le droit d’entrée au tribunal. Les téléphones portables et les caméras étaient également proscrits du tribunal. Une fois encore, des barricades, gardées par des policiers, avaient été érigées pour bloquer l’accès à la cour. Nabeel Rajab a été expulsé d’un café attenant, qui a ensuite été fermé, afin qu’il ne puisse utiliser la connexion Internet pour envoyer des mises à jour relatives au procès sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter.
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Updated on 20.01.2016