Le Premier ministre Borissov dérape dangereusement et réveille de vieux démons

« Ce qu’ils ont fait, je peux le faire aussi pour tous ceux qui sont ici. Je peux ordonner aux services secrets d’ouvrir des enquêtes sur vous tous, les journalistes, sur vous tous sans exception (voir Novonite.com) ». C’est par ces mots que le Premier ministre Boïko Borissov a réagi, le 5 février 2013, au cours d’un point de presse informel après la publication le 3 février 2013 sur le site bivol.bg (partenaire balkanique de Wikileaks), de plusieurs documents d’archives portant sur ses activités professionnelle dans les années 1990. Selon l’enquête menée par les journalistes de Bivol.bg, au cours d'un parcours chaotique, Boïko Borissov aurait émargé au service de l’antigang sous le nom de code « agent Bouddha » (lire aussi l'article du Figaro.fr). « Nous sommes abasourdis, consternés et scandalisés par les déclarations irresponsables du Premier ministre. De tels propos constituent des menaces sérieuses et directes sur tous les acteurs de l’information. Nous pensions que les 'enquêtes des services secrets' sur la presse et les journalistes appartenaient à une époque révolue, aux démons de la guerre froide. M. Borissov est le chef d’Etat d'un pays membre de l'Union européenne. Il ne peut en aucun cas cautionner l’utilisation des services secrets pour constituer des dossiers ou des écoutes téléphoniques sur les journalistes. M. Borissov, qui a vécu sous l’ère de la censure et du contrôle du régime communiste, ne pouvait ignorer le signal désastreux qu’il vient d’envoyer à toute la sphère médiatique qui s’interroge à juste raison sur les conclusions qu’il faut tirer de tels propos. Si c’est un 'excès de langage' passager, c’est une faute et il est alors impératif qu’il revienne publiquement sur ses déclarations et qu’il reconnaisse toute la portée de cette erreur. Dans la négative, il faudra que les institutions européennes s’interrogent sur la compatibilité de tels propos avec la fonction d’un de leurs vingt-sept Etats membres », a déclaré Reporters sans frontières. « Lors de sa nomination au poste de Premier ministre, M. Borissov avait pris plusieurs engagements pour abolir ces pratiques qui gangrènent la sphère médiatique depuis des années. Il avait fait de la liberté de la presse une de 'ses priorités' et avait promis des réformes significatives. Nous en sommes loin. Son comportement risque d'avoir des conséquences désastreuses, non seulement en Bulgarie, mais dans tous les pays des Balkans. Bon nombres d’acteurs y verront un soutien officiel à des pratiques douteuses et souvent à caractère mafieux. Comment exiger des pays des Balkans, candidats à l’entrée dans l’Union européenne, un comportement sans faille quand leur plus proche voisin les pousse vers les excès contraires ? » « Nous avons plus que jamais besoin de comportements exemplaires au sein de l’Union européenne. La Bulgarie occupe la 87e place au classement mondial de la liberté de la presse 2013, et la dernière place au sein des Etats membres. Les déclarations de M. Borissov ne font malheureusement que confirmer nos inquiétudes et participent directement au maintien d’un environnement aussi instable que dangereux pour les journalistes ».
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Mise à jour le 20.01.2016