Le ministère des Renseignements passe aux aveux et admet réprimer les acteurs de l'information

Reporters sans frontières dénonce la reprise de la campagne de répression contre les journalistes iraniens. Depuis le “dimanche noir”, le 27 janvier dernier, le rythme des convocations, interpellations et interrogations de journalistes s’est intensifié dans plusieurs villes du pays. Le 17 février 2013, au moins quinze journalistes et net-citoyens, membres de l’association littéraire Hana et collaborateurs de deux mensuels, Koshk et Varia et du bimensuel Najva, ont été convoqués et interrogés pendant plusieurs heures par des agents du ministère des Renseignements dans la ville d’Ilam (sud-ouest du pays). Selon les informations recueillies par l’organisation, une dizaine de journalistes, net-citoyens, activistes politiques et membres de la société civile ont été convoqués ou arrêtés dans le pays. Durant leurs interrogatoires, ils ont été menacés et fortement incités à ne mener aucune activité dans le cadre de l’élection présidentielle de juin 2013. A ce jour, 58 journalistes et net-citoyens sont détenus dans le pays. "Le régime doit mettre fin à ces arrestations successives et arbitraires. A cinq mois de la prochaine élection présidentielle, les autorités iraniennes suivent une stratégie “d’arrestations préventives” et d’intimidations systématiques à l’encontre des acteurs de l’information. Une opération destinée à faire taire toute critique contre une recrudescence des entraves à la liberté de l’information et de la répression contre les journalistes, témoins potentiellement gênants d’élections frauduleuses", a déclaré Reporters sans frontières. Dans un communiqué de presse publié le 19 février 2013, le ministère des Renseignements a accusé tous les médias basés à l’étranger (BBC, RFI, DW, VOA) ainsi que l’organisation Reporters sans frontières d’être à la solde des services de renseignements européens, notamment britanniques, dans le but d’organiser une guerre psychologique contre la République islamique d’Iran. Le communiqué prétend que les journalistes “du réseau démantelé avaient collecté et transmis des informations à l’étranger, afin qu’elles servent de base de travail à des ‘groupes occidentaux spécialisés dans la guerre psychologique’ pour que ces derniers réalisent des interviews avec des intellectuels et des organisations, etc (…) . Matériel ensuite diffusé par les médias à destination du public iranien, ou utilisé par (Ahmed Shaheed), le rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, et d’autres fausses organisations défenseurs des droit de l’homme occidentales pour des rapports mensongers sur la situation des droits de l’homme en Iran”. Le communiqué ajoute que “Reporters sans frontières, en utilisant le modèle de la BBC, a créé une entité géographique pour l’Iran, l’Afghanistan et le Tadjikistan et a mis à sa tête un contre-révolutionnaire qui a fui le pays. Il est en relation avec les organisations contre-révolutionnaires et les services de renseignement européens. Cet individu avait et a la mission de suivre le dossier de demande de résidence et d’asile pour les membres du réseau qui fuient le pays.” Le ministère des Renseignements précise que “certains membres du réseau sont prêts à parler publiquement de leurs expériences”. Deux jours avant la publication de ce communiqué, Ahmad Bakshaysh, membre de la Commission de la Sécurité nationale du Parlement, après une réunion de cette commission avec le responsable des Affaires culturelles du ministère des Renseignements, avait déclaré au journal Roozonline que ce dernier lui avait dit que “ces arrestations sont préventives; elles ont pour but d’empêcher l’activité d’un réseau à l’intérieur et extérieur du pays, à l’approche de l’élection présidentielle de juin 2013 (…). Ce réseau encourage ses journalistes à interviewer les différents responsables du régime pour montrer leurs divergences (…). A l’issue de leur détention, certains d’entre-eux ont compris leur erreur et sont prêts à témoigner dans ce sens (…)”. Ahmad Bakshaysh conclut: “Je pense qu’il faisait référence aux aveux télévisés”. “Ce n’est pas la première fois que les aveux des victimes, qui sont en fait des extraits filmés de leurs interrogatoires, obtenus suite à des mauvais traitements, vont être diffusés sur les chaînes nationales, et relayés par Press TV et Al-Alam, les chaînes en langue anglaise et arabe de la République islamique. Des journalistes emprisonnés ont déjà accusé ces deux chaînes de complicité avec les tortionnaires du ministère des Renseignements pour préparer et diffuser des aveux extorqués. Ce type de pratiques est inadmissible et en claire violation du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques signé et ratifié par la République islamique d’Iran”, a conclu Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Malgré la libération d’un certain nombre de journalistes, l’organisation reste particulièrement préoccupée par les conditions de détention des douze autres journalistes, victimes du “dimanche noir”, toujours maintenus à l’isolement dans la section 209 de la prison d’Evin, contrôlée par le ministère des Renseignements. Ces journalistes sont privés de tous leurs droits, et n’ont accès ni à un avocat, ni visite de leurs familles. Plusieurs responsables du régime ont confirmé que ces arrestations sont directement en relation avec la préparation d’élection de juin 2013. Par ailleurs, Reporters sans frontières s’inquiète pour l’état de santé de nombreux journalistes et net-citoyens, détenus arbitrairement et privés de soins médicaux, comme Arash Honarvar Shojai et Mohammad Reza Pourshajari. Tous deux souffrent de plusieurs maladies. Le premier a été hospitalisé deux fois dans un hôpital de Téhéran. Directeur du blog Rapport à la terre d’Iran, il a été victime d’un malaise cardiaque, le 17 févier 2013, dans sa cellule de la prison de Rajaishahr. Il se trouve toujours dans un état critique, mais les autorités judiciaires ont systématiquement rejeté ses demandes de permission pour traitement médical.
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Mise à jour le 20.01.2016