Le ministère de l’Intérieur veut interdire la prise d’images des forces de l’ordre

Reporters sans frontières s’inquiète des récentes déclarations du ministère de l’Intérieur qui souhaite étudier, dans le cadre de la réforme de la loi sur la sécurité publique, la possibilité d’interdire les prises de vues, la captation, la reproduction et le traitement d’images, de sons et de données concernant les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions si cela risque de mettre leur vie en danger ou de compromettre les opérations en cours. Le ministère de l’Intérieur se défend de toute atteinte à la liberté de l’information. Le directeur général de la police, Ignacio Cosido a déclaré que les modifications apportées à la loi viseraient davantage les vidéos diffusées par des internautes que par des journalistes. Un autre haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur a également déclaré dans une interview au quotidien El Pais qu’ « nous ne cherchons pas à empêcher la presse de faire son travail, mais nous croyons que lors d’opérations anti-terroristes ou contre le crime organisé, il faut être prudent avec la diffusion des images.» « Nous nous opposons fermement à ce projet de réforme et exigeons que le ministère de l’Intérieur abandonne toute tentative visant à réduire le droit légitime des médias ou des citoyens à couvrir des événements qui se déroulent sur la voie publique et qui sont d’intérêt public. La Cour européenne des droits de l’Homme, sur le fondement du droit à la liberté d’expression (article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme) n’a de cesse dans ses décisions de faire prévaloir la liberté d’expression sur toute autre considération lorsque l’information du public sur des questions d’intérêt général est en jeu. Les journalistes peuvent donc filmer ou photographier manifestants et forces de l’ordre, sans se voir opposer le droit à la vie privée ou le droit à l’image lorsqu’il s’agit d’illustrer des événements d’actualité.» « A l’image des gouvernements grec ou anglais, l’exécutif espagnol souhaiterait-il profiter de la réforme sur la sécurité publique pour réduire la capacité des journalistes ou des manifestants à prendre des images des violences policières qui ont régulièrement accompagné au cours des derniers mois la répression de certaines manifestations ? En Grèce comme en Espagne, les forces de police vivent de plus en plus mal la présence des caméras et des appareils photos qui constituent très souvent des preuves gênantes et compromettantes dans les plaintes introduites par les victimes de leurs débordements. On peut comprendre que la présence de tels témoignages ne soit pas du goût des autorités mises en cause. Mais les mesures à prendre doivent viser les acteurs des exactions et non leurs témoins ». « Nous rappelons également aux autorités espagnole que le droit de récolter et de diffuser de l’information est garantit à tous les citoyens par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Si nous reconnaissons sans aucune ambiguïté possible l’énorme plus-value des journalistes professionnels dans la mission d’information, l’exercice de ce droit n’appartient pas seulement à ces professionnels mais à tout individu. Les internautes disposent du même droit que les journalistes dans la diffusion d’images prises sur la voie publique.» « Nous attirons enfin l’attention des autorités espagnoles sur l’exemple inquiétant que ces modifications importantes dans la loi sur la sécurité publique pourrait entrainer auprès des certains gouvernements beaucoup moins respectueux de la liberté de la presse. Les pays européens constituent peu à peu une norme à laquelle on aimerait pouvoir continuer à se rattacher en matière de liberté publiques et plus particulièrement en matière de liberté de l’information. Le gouvernement espagnol ne peut, ne doit, pas perdre de vue cette dimension lorsqu’il travaille sur ces thématiques.»
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Updated on 20.01.2016