Le magazine d'une compagnie aérienne sommé de payer plus d'un million d'euros au fils de l’ex-dictateur Suharto

Douze milliards et demi de roupies indonésiennes (plus d'un million d'euros), c'est la somme de dommages et intérêts que Garuda Magazine, publication distribuée dans les avions de la compagnie aérienne Garuda Indonesia, doit verser à Hutomo “Tommy” Mandala Putra, le fils cadet du défunt dictateur Suharto. La Cour du Sud de Jakarta a déclaré le magazine coupable de diffamation. Dans un article du magazine de bord de la ligne aérienne nationale, publié en décembre 2009 et portant sur un de ses hôtels à Bali, le terme de "meurtrier" avait été utilisée pour décrire Tommy Suharto, condamné pour assassinat en 2002. Reporters sans frontières condamne fermement la décision de la Cour du Sud de Jakarta. Imposer une compensation aussi disproportionnée pour un magazine à diffusion réduite, environ 900.000 lecteurs potentiels par mois, démontre une intention de la justice de démanteler définitivement la publication. Cette sanction, qui constitue un sérieux revers pour la liberté d'expression en Indonésie, ôte toute crédibilité à la justice indonésienne. L'organisation demande au juge Tahsin, chargé de l’affaire, l'annulation de son jugement. Tommy Suharto, qui possède un hôtel dans l'île indonésienne, avait été condamné, en 2002, à une peine de quinze de prison, réduite à cinq ans, pour avoir commandité l'assassinat de Syafiuddin Kartasasmita, juge de la Cour Suprême, qui l'avait reconnu coupable de corruption. Le juge a justifié la condamnation en diffamation en déclarant que Tommy Suharto avait déjà purgé sa peine et avait “pleinement repris ses droits en tant que citoyen et notamment celui que son passé ne soit pas mentionné". La Cour du Sud de Jakarta a condamné, au surplus de l'amende, Garuda Magazine à publier une page entière d'excuses dans ses trois prochaines éditions. La neutralité et l’impartialité de la justice indonésienne sont d’autant plus remis en cause par le procès en cours du journaliste Gatot Machali, directeur de la station Radio Era Baru (province de Riau), qui risque la peine outrancière de six ans de prison pour “avoir perturbé les fréquences” des radios voisines et diffusé ses programmes sans licence. Des pressions de longue date pour fermer la radio proviendraient directement de la République populaire de Chine. La justice indonésienne avait également réagi sous la pression d’une organisation islamiste, en incarcérant Erwin Arnada, ex-directeur de la version indonésienne du magazine Playboy, qu'elle avait condamné en août 2010 à deux ans de prison pour "indécence". Alors que des médias du pays sont harcelés par les autorités, le 9 mars 2011, les trois inculpés du meurtre du cameraman de la chaîne SUN TV, Ridwan Salamun, ont été relaxés par la cour de Tual (Est), et les assassins d’Alfrets Mirulewan, rédacteur en chef de Pelangi Weekly, tué le 17 décembre 2010, n'ont toujours pas été arrêtés. L’Indonésie occupe le 117e rang sur 178 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2010.
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Mise à jour le 20.01.2016