Le journaliste Andreï Pachobut libéré mais plus que jamais sous surveillance

Le 5 juillet 2011, Andreï Pachobut, correspondant pour le journal polonais Gazeta Wyborcza, a été condamné à 3 ans de prison avec sursis par le tribunal régional de Hrodna, pour des écrits prétendument diffamatoires contre le président bélarusse. “Si nous nous réjouissons de la libération d’Andreï Pachobut après trois mois d’emprisonnement arbitraire, il reste une cible étroitement surveillée dans la chasse ouverte contre les professionnels des médias par le président Alexandre Loukachenko. Nous exigeons toujours la levée de toutes les charges retenues contre lui. De fait, Andreï Pachobut ne peut désormais plus exercer son métier sans risquer à tout moment, et selon l’humeur du pouvoir, plusieurs années d’enfermement. Il est difficile de ne pas voir dans la sentence rendue un avertissement à tous les journalistes s’aventurant à critiquer le gouvernement bélarusse. L’acharnement du chef de l’Etat contre les journalistes s’accentue au fur et à mesure que le pays s’enfonce dans une crise économique sans précédent”, a déclaré Reporters sans frontières. Arrêté le 6 avril 2011, le journaliste était poursuivi pour diffamation et insulte au président Loukachenko dans dix articles parus en 2010 et 2011, sur les site de Gazeta Wyborcza et de belaruspartisan.org, ainsi que sur son blog. Il risquait jusqu’à quatre ans de prison ferme. Bien que le procureur ait requis trois ans ans d’emprisonnement le 24 juin, le juge Vital Liatsko a finalement levé l’accusation d’”insulte au président” pour ne garder que celle, moins lourde, de “diffamation”. Andreï Pachobut a déclaré à Reporters sans frontières que “si les autorités ne m’ont pas laissé en prison, c’est seulement grâce aux pressions de l’Union Européenne et de la communauté internationale”. Le procès s’est déroulé à huis clos et a été entaché par de nombreux vices de procédure, ainsi que par l’arrestation et le passage à tabac de nombreux journalistes tentant de le couvrir. “Mes droits en tant qu’accusé ont été violés,et on ne m’a laissé aucune chance de prouver mon bon droit”, a déclaré le journaliste à Reporters sans frontières. En marge de l’audience finale, ce matin, les correspondants des agences AP, Reuters et EPA ont été pris à partie par quatre agents de police en civil et brutalement empêchés de photographier l’arrivée de Pachobut au tribunal. Un journaliste polonais venu couvrir l’affaire, Ihar Bantsar (voir communiqué du 16 juin ci dessous), a quant à lui été condamné à cinq jours d’emprisonnement le 4 juillet. Andreï Pachobut, libéré, a assuré à Reporters sans frontières qu’il continuerait à qualifier Loukachenko de dictateur, même si c’est la raison pour laquelle il a été poursuivi. Le journaliste a confirmé à l’organisation qu’il ne se considérait pas coupable et qu’il comptait faire appel de la condamnation. -------------------------------------------------------------------------------------------- 16.06.2011-Un journaliste polonais condamné en marge du procès d’Andreï Pachobut Ihar Bantsar, rédacteur en chef de l’hebdomadaire polonais Glos z-nad Niemna, a été arrêté mercredi 15 juin 2011 alors qu’il quittait son domicile à Hrodna pour aller couvrir le procès du journaliste Andreï Pachobut (voir ci-dessous). Il a été condamné un peu plus tard dans la journée à cinq jours de prison pour “petite délinquance”. “Nous exigeons la libération immédiate et sans condition d’Ihar Bantsar. Nous sommons les autorités bélarusses de laisser les médias couvrir le procès d’Andreï Pachobut, qui doit reprendre demain vendredi 17 juin. Les attaques visant les médias étrangers et particulièrement russes et polonais, à l’appel du président Loukachenko lui-même, doivent cesser. Cette condamnation est une sinistre farce. Les autorités bélarusses ne peuvent espérer dissimuler la tenue du procès d’Andreï Pachobut”, a déclaré Reporters sans frontières. Interpellé pour être questionné sur une prétendue “affaire criminelle”, Ihar Bantsar a finalement été accusé d’avoir proféré des insultes et jugé pour cela dans le commissariat où il était retenu. Comme l’a confié sa femme, Andzelika Orchwo, à Reporters sans frontières, la condamnation du journaliste répond à une volonté évidente des autorités d’empêcher le journaliste de couvrir le procès d’Andreï Pachobut. Toute la journée du 15 juin, Andzelika Orchwo et un ami, leader de la communauté polonaise, ont été bloqués au domicile du journaliste, entouré par des officiers de police, alors qu’ils souhaitaient se rendre au procès. Reporters sans frontières s’inquiète de la multiplication des attaques contre les journalistes polonais au Bélarus. Le 15 juin, une journaliste de la radio TOK FM, Agnieszka Lichnerowicz et un caméraman de la télévision nationale polonaise, Boris Czerniawski, ont été arrêtés et détenus pendant 2 heures, alors qu’ils couvraient une manifestation contre le président Loukachenko à Hrodna. -------------------------------------------------------------------------------------------- 14.06.2011-Le correspondant de Gazeta Wyborcza risque jusqu'à 4 ans de prison Le procès d’Andreï Pachobut, correspondant du journal polonais Gazeta Wyborcza, s’est ouvert le 14 juin 2011 devant le tribunal de district de Leninski à Hrodna. Arrêté le 6 avril dernier (voir ci-dessous), le journaliste est poursuivi pour “diffamation” (article 368.1) et “insulte au président” (article 367.1) pour dix articles parus sur les sites de Gazeta Wyborcza, belaruspartisan.org et sur son blog. Il risque jusqu’à quatre ans d’emprisonnement. “La sévérité de la peine encourue pour des chefs d’inculpation aussi dérisoires témoigne du délire autocratique auquel le président Alexandre Loukachenko soumet son pays. Ni les proches d’Andreï Pachobut, ni ses confrères journalistes, n’ont pu assister à l’audience de ce jour, ce qui laisse peser de sérieux doutes sur la tenue d’un procès juste et équitable. Nous demandons à ce que les audiences puissent se dérouler en public, jusqu’à ce que toutes les charges pesant contre Andreï Pachobut soient abandonnées.” Au moins trois journalistes ont été emprisonnés pour avoir “insulté” le président dans leurs articles au cours des dix dernières années. Le Bélarus se situe au 154ème sur 178 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse réalisé par Reporters sans frontières. Photo : BelaPAN ------------------------------- 08.04.2011 - Le journaliste de Gazeta Wyborcza, Andreï Pachobut, une nouvelle fois arrêté Reporters sans frontières s'indigne de la nouvelle arrestation du correspondant de Gazeta Wyborcza, Andreï Pachobut, le 6 avril 2011. Les quelques timides signes d'apaisement donnés par le pouvoir bélarusse ces derniers jours n'était donc que poudre aux yeux, dans l'intention d'amadouer la communauté internationale et d'inciter plusieurs pays à reprendre leur aide au Bélarus qui traverse une grave crise économique. Les journalistes ayant couvert les manifestations d'opposition du 19 décembre, et même leurs proches, sont toujours harcelés par les forces de l'ordre et la justice. Alors qu'il se rendait à Minsk pour une vidéoconférence sur la persécution des journalistes avec des députés du parlement européen, Andreï Pachobut a été une nouvelle fois rattrapé par la dictature. Sa voiture a été stoppée à Hrodna par des officiers de police qui l'ont conduit auprès du procureur de la région. Il a alors été informé de son interdiction de sortie de la ville, motivée par son inculpation pour insulte au Président. Le journaliste a malgré tout tenté de se rendre à Minsk, mais sa voiture a été de nouveau arrêtée, à une trentaine de kilomètres de Hrodna. Il a alors été emmené au centre de détention de la ville, où il est détenu depuis, pour une durée indéterminée. Le journaliste avait déjà passé 15 jours en prison pour sa participation supposée aux manifestations du 19 décembre qu'il ne faisait que couvrir. Il est, depuis le 28 mars 2011, inculpé pour « insulte au président Loukachenko » pour différents articles parus dans Gazeta Wyborcza et sur Internet. Son appartement a été fouillé quelques jours plus tard par trois agents du KGB et son ordinateur confisqué comme « arme du crime ». Convoqué le 7 avril 2011, le journaliste avait demandé à ce que l'interrogatoire soit reporté. Il risque maintenant jusqu'à deux ans de camp de travail. Signe du climat de peur régnant dans le pays, Natalia Radzina, journaliste du site charter97.org, qui encourt 15 ans de prison pour « organisation ou participation à une émeute », s'est quant à elle réfugiée à l'étranger. Après avoir reçu une convocation au KGB de Minsk, elle a quitté le pays, craignant son accusation définitive et son enfermement. La journaliste avait déjà passé plus d'un mois en prison après son arrestation le 19 décembre. Reporters sans frontières est outrée par les pressions subies par les membres de la famille de la journaliste. Depuis sa fuite, certains d'entre eux ont été convoqués par le KGB et son père a reçu à son travail la visite musclée d'agents de sécurité. Le 6 avril 2011, la maison des parents de la journaliste a été fouillé. Les journaux de Natalia Radzina, des lettres de soutien ainsi que son ordinateur ont été confisqués. Ces derniers jours pourtant, le gouvernement bélarusse avait donné quelques signes d'apaisement à l'égard des journalistes et de l'opposition en général, après la forte répression du 19 décembre 2010. L'un des dirigeants de l'opposition Anatol Lyebedzka a été libéré le 6 avril. Le ministre des Affaires étrangères avait notamment annoncé le 4 avril l'allègement des charges contre une dizaine d'opposants et Irina Khalip, reporter pour Novaya Gazeta. Son accusation pour « organisation ou participation à une émeute » a été requalifiée en « organisation et préparation de violations de l'ordre public ». Précédemment menacée de 15 ans de prison, la journaliste, assignée à résidence, n'encourt « plus que » 3 ans de détention si elle est jugée coupable. Une soixantaine d'opposants et personnalités de la société civile sont toujours poursuivis pour leur participation présumée aux manifestations de décembre. Photo : Aleksy Salej-Gazeta Wyborcza
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016