Le gouvernement royal tente d'étouffer la presse indépendante qui lui résiste

Le ministère de l'Information a ordonné aux institutions publiques de réserver la publicité gouvernementale aux médias respectant la monarchie. De son côté, le Conseil de la presse a privilégié les publications favorables au roi (photo) dans son classement annuel. Reporters sans frontières dénonce par ailleurs les menaces et agressions contre des journalistes du groupe de presse Kantipur de la part des forces royalistes.

En l'espace de quelques jours, le gouvernement dirigé par le roi Gyanendra a adopté plusieurs lois qui pénalisent la presse indépendante notamment en ce qui concerne la répartition de la publicité publique. « Tour à tour menacée, discriminée et réprimée, la presse indépendante népalaise résiste malgré tout à un gouvernement qui multiplie les décisions arbitraires. Aujourd'hui, le roi Gyanendra tente, depuis le 1er février, de réaliser son rêve de voir disparaître cette presse qui refuse ses diktats, a déclaré Reporters sans frontières. La communauté internationale doit renforcer son soutien aux médias libres afin de sauver l'un des derniers acquis démocratiques du royaume. » Le 27 septembre 2005, le ministère de l'Information et de la Communication a publié les décrets d'application de la politique de répartition de la publicité publique, dite « One Door Advertisement Policy ». Le gouvernement, à travers cette loi, demande à toutes les institutions publiques de n'acheter de l'espace publicitaire qu'aux médias qui « respectent la Nation, la nationalité et la monarchie. » Le 22 septembre, le Conseil de la presse avait rendu public son rapport annuel contenant notamment la classification des 322 publications régulières selon leur tirage. Plusieurs d'entre elles, notamment les magazines Chhalphal et Ghatana Ra Bichar, connues pour leurs critiques de l'administration royale, ont été reléguées en catégorie B alors que leur tirage est important. En réaction à cette nouvelle classification, des directeurs de publication avaient bloqué de force, le 24 septembre, le bureau de Mathabar Singh Basnet, président du Conseil de la presse, dans la capitale. Dénonçant une décision injuste et biaisée, les journalistes avaient souligné que des publications favorables au roi, notamment les hebdomadaires Rahashya et Janabhavana, avaient été placées en catégorie A alors que leur diffusion ne le justifie pas. L'hebdomadaire Punarjagaran, dont le président du Conseil de la presse est l'ancien directeur, a été également promu dans la catégorie A. Ce qui donne à ces publications royalistes un accès privilégié aux aides d'Etat. Par ailleurs, le groupe de presse Kantipur, connu pour ses critiques à l'encontre du gouvernement, fait actuellement l'objet d'une campagne d'intimidation de la part des forces royalistes. Le 18 septembre, un responsable royaliste à Biratnagar (Est) a menacé d'attaquer les locaux de Kantipur lors d'un meeting. Quelques jours plus tôt, un groupe extrémiste hindou avait proféré des menaces similaires. Le 15 septembre, un officier de l'armée avait promis de briser les jambes d'un correspondant de Kantipur après la publication d'un article sur des violences à l'encontre de civils. Enfin, en août, le célèbre éditorialiste du Kantipur, Krishna Jwala Devkota, avait reçu de nombreux appels téléphoniques et des e-mails lui intimant l'ordre de cesser de mettre en cause les forces de sécurité. Ces mesures ségrégationnistes s'ajoutent aux déclarations menaçantes et absurdes de plusieurs hauts responsables contre les « journalistes vendus aux étrangers ». Le président du Conseil de la presse, Mathabar Singh Basnet, a déclaré, le 22 septembre, que la presse népalaise « danse au rythme des étrangers ». De son côté, le ministre de l'Information a affirmé que la presse devait travailler pour le pays et le roi, et non pas pour les ambassades étrangères. « Si la communauté internationale soutient les journalistes et les organisations de la presse népalaise, c'est pour exprimer sa solidarité avec une profession victime d'un gouvernement répressif », a affirmé Reporters sans frontières qui a, dans le passé, apporté un soutien financier à des journalistes emprisonnés ou menacés au Népal.
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016