Le caricaturiste Zunar risque 43 ans de prison pour... neuf dessins de presse

Reporters sans frontières (RSF) condamne la tenue du procès du caricaturiste Zunar, jugé pour sédition après avoir publié neuf de ses dessins sur Twitter, et appelle le pouvoir malaisien à mettre un terme au harcèlement judiciaire et moral ciblant le dessinateur de presse.

Reporté le 7 juillet, le procès contre le caricaturiste Zunar - de son vrai nom Zulkiflee Anwar Alhaque - s’ouvre ce 9 septembre. Poursuivi par le pouvoir malaisien, Zunar fait face à neuf chefs d’accusation, relevant tous du Sedition Act, et risque jusqu’à 43 ans de prison pour avoir publié sur Twitter neuf dessins de presse dénonçant la corruption du gouvernement de Najib Abdul Razak et le procès très médiatisé de l’opposant politique Anwar Ibrahim. “ Nous condamnons l’acharnement dont est victime le caricaturiste et appelons les autorités malaisiennes à retirer l’ensemble des charges retenues contre lui, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. La tenue de ce procès inique est une nouvelle preuve des représailles politiques que le gouvernement de Najib Razak lance désormais ouvertement à l’encontre de Zunar. Le recours récurrent au Sedition Act, qui criminalise ici la parution de caricatures à caractère politique, est totalement illégitime et disproportionnée.” Véritable outil de répression brandi par le gouvernement malaisien depuis deux ans, le Sedition Act lui a permis à de nombreuses reprises de lancer des procédures à l’encontre de journalistes et de blogueurs. Cette loi répressive datant de 1948 est régulièrement invoquée par les autorités pour faire taire les voix dissonantes et pousser les acteurs de l’information du pays à l’auto-censure. Le procès intenté contre le caricaturiste est l’exemple type de ce qu’on appelle communément une “SLAPP”, “Strategic Lawsuit Against Public Participation” (“Poursuite stratégique contre la mobilisation publique” ou “Poursuite-bâillon”). En effet, même si Zunar n’écope pas d’une peine de prison, la procédure judiciaire, étouffante en elle-même, aura un effet dissuasif sur la prise de position et la mobilisation citoyenne et encourage l’autocensure des dessinateurs de presse, et plus largement des médias malaisiens. Zunar a déjà été détenu à deux reprises en vertu du Sedition Act, deux jours en septembre 2010 suite à la parution de son album de caricatures "Cartoon-o-phobia", et plus récemment en février 2015, durant trois jours. Le 28 janvier 2015, la police malaisienne avait fait irruption dans les bureaux du dessinateur et saisi une centaine de ses ouvrages et caricatures. Sept de ses ouvrages ont par ailleurs été interdits par le pouvoir malaisien pour “atteinte à l’ordre public”. La Malaisie occupe la 147ème place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières.


(logo : AFP)
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016