L’arrestation pour « espionnage » de quatre photographes de presse suscite des interrogations

Reporters sans frontières exprime sa préoccupation suite à l’arrestation, le 7 juillet 2011 à Tbilissi (capitale), de quatre photojournalistes connus. L’organisation demande aux autorités géorgiennes de fournir régulièrement des explications sur leur sort et les graves accusations qui pèsent à leur encontre. « Il incombe bien sûr à l’Etat de protéger les intérêts nationaux. Mais il ne faudrait pas que la peur de l’espion prévalant en Géorgie contribue à instaurer un climat d’intimidation dans les médias, et que l’impératif sécuritaire prenne le pas sur les principes démocratiques. Nous en appelons au contre-espionnage et à la justice pour mener cette enquête avec calme et impartialité, dans le respect des procédures judiciaires et du droit à la défense des prévenus. Bien qu’il soit pour l’instant impossible de se prononcer sur le fond de l’affaire, la plus grande transparence possible est nécessaire pour dissiper les soupçons d’arrestations politiques », a déclaré Reporters sans frontières. Au petit matin du jeudi 7 juillet 2011, les services de contre-espionnage du ministère de l’Intérieur ont procédé à l’arrestation de cinq photojournalistes de premier plan : il s’agit du photographe officiel du Président Mikheïl Saakachvili, Irakli Gedenidze, de sa femme travaillant pour le journal Prime-Time, Natia Gedenidze, de Zurab Kurtsikidze de l’agence European Press-Photo Agency (EPA), et du photographe du ministère de l’Intérieur Giorgi Abdaladze. Le photojournaliste d’Associated Press (AP), Shah Aïvazov, a été relâché après avoir été entendu comme témoin. Les quatre autres ont été incarcérés pour « espionnage ». La nouvelle, annoncée par leurs proches, a été confirmée dans la journée par le ministère de l'Intérieur. Celui-ci a précisé dans un communiqué que « les prévenus sont accusés d’avoir divulgué différentes sortes d’informations aux services secrets d’un pays voisin opérant sous couverture, en abusant de leurs fonctions et en portant atteinte aux intérêts de la Géorgie ». D’après l’avocat de Giorgi Abdaladze, Ramaz Tchitchaladze, les photographes sont inculpés sur le fondement de l’article 314 du code pénal, alinéa 1, qui punit de 8 à 12 ans d’emprisonnement « la collecte, la détention et la transmission de documents (…) contenant des informations secrètes ». L’avocat a précisé que l’affaire avait été classée confidentielle. Après quelques heures d’incertitudes hier, il a finalement pu s’entretenir avec son client, qui était lié contractuellement avec le ministère de l'Intérieur pour la couverture d’événements spécifiques. La présidence a assuré ce matin que l’arrestation des photographes n’était en aucun cas liée à leur activité professionnelle, mais qu’elle concernait « une infiltration grave de nos institutions ». D’après les témoignages de leurs proches, l’interpellation des cinq photographes s’est accompagnée d’une fouille minutieuse de leurs appartements et de la saisie de leurs ordinateurs, téléphones portables et autres équipements professionnels. « La saisie du matériel journalistique des prévenus constitue une violation du principe de confidentialité des sources, qui n’est justifiée que dans des cas très précis selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », a rappelé l’organisation. La guerre de 2008 avec la Russie a exacerbé le climat de paranoïa sécuritaire en Géorgie. L’accusation d’être un « espion russe » est fréquemment brandie par tous les camps pour discréditer leurs adversaires, et un certain nombre de « patriotes » autoproclamés mènent la chasse aux blogueurs indépendants sur la Toile. L’influent blogueur berg_man a ainsi reçu des menaces de mort au nom de la « sainte terre de Géorgie » sur son LiveJournal, après avoir évoqué la violente répression de la manifestation d’opposition du 25 mai 2011. Le pays figure à la 99e place sur 178 dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. (Photo : AFP)
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Mise à jour le 20.01.2016