L’ancien Premier Ministre réclame 1,5 million d’euros au journaliste finlandais Magnus Berglund

Reporters sans frontières dénonce les deux procédures judiciaires engagées par l’ancien Premier ministre Janez Jansa et par l’Etat slovène contre le journaliste finlandais Magnus Berglund pour propos diffamatoires. Dans son émission « Truth about Patria » du 1er septembre 2009, diffusée sur la chaîne de télévision finlandaise YLE, Magnus Berglund enquêtait sur l’achat par le gouvernement slovène de véhicules blindés qui aurait fait l’objet de commissions illégales. Sur les 275 millions d’euros consacrés au marché public, Janez Jansa, de hauts fonctionnaires slovènes, des militaires de haut rang ainsi que certains politiciens auraient perçu près de 20 millions d’euros. Bien que se déroulant dans deux Cours fédérales différentes, les deux affaires font référence à la même émission. Au civil, devant la cour fédérale de Novo Mesto, Janez Jansa réclame des dommages et intérêts à hauteur de 1,5 million d’euros, tandis qu’au pénal, devant la cour fédérale de Ljubljana, l’Etat slovène requiert une peine de prison de six mois. « Cette affaire est totalement surréaliste. Monsieur Jansa, comme toute autre personne qui s’estimerait diffamée par le reportage, pourrait d’abord user d’un droit de réponse avant de penser à réclamer de tels montants. Les peines de prison réclamées par l’Etat slovène sont, quant à elles, tout simplement inacceptables, spécialement au sein d’un pays membre de l’Union européenne », a déclaré Reporters sans frontières. « L’achat des véhicules blindés est un marché public qui doit faire l’objet de la plus grande transparence. Si l’enquête menée par Magnus Berglund est réellement diffamatoire, il est aisé, tant pour l’Etat slovène que pour l’ancien Premier ministre, de le démontrer par les faits, en ouvrant par exemple à la presse la comptabilité relative aux marchés en question. Dans la négative, les informations diffusées par Truth about Patria relèvent de l’intérêt public et ne peuvent par conséquent faire l’objet d’aucune plainte », a ajouté Reporters sans frontières. « Au cours des élections législatives de septembre 2008, pas moins d’une dizaine de journalistes ou chroniqueurs avaient déjà dû faire face à des procès en diffamation initiés par Monsieur Jansa. Curieusement aidé par l’Etat slovène, l’ancien Premier ministre semble aujourd’hui vouloir étendre son contrôle sur la presse internationale », a poursuivi Reporters sans frontières. Le procès au civil contre Magnus Berglund a été autorisé par la Cour fédérale de Novo Mesto, qui s’est déclarée compétente bien que l’affaire concerne une émission d’une chaîne de télévision finlandaise diffusée en Finlande. Au pénal, l’enquête diligentée par le ministère de la Justice pour la vérification des bases légales avait conclu à l’incompétence de la cour de Ljubljana. Si le procureur de la République, Katarina Bergant, avait donné son accord pour être déchargé du dossier le directeur de la Cour de justice de Ljubljana, Tamara Gregorcic est passé outre l’avis du ministère et a autorisé l’ouverture de l’instruction. Par ailleurs, la directrice de la Cour fédérale de Novo Mesto, Milojka Gutman, épouse du lieutenant général Gutman impliqué dans l’affaire, avait fort logiquement demandé le transfert du procès auprès d’une autre Cour fédérale. La Cour suprême slovène a refusé arguant qu’il était beaucoup trop tôt pour prendre une telle décision, avant même que les accusés ne l’aient expressément demandé. « Au-delà des incohérences juridiques, le recours aux cours slovènes est pour le moins surprenant et tendancieux. Monsieur Jansa, comme l’Etat slovène, n’ignorent pas que la Finlande dispose de toute l’infrastructure juridique requise pour traiter d’éventuelles plaintes en diffamation. Si Monsieur Jansa reste libre de ses choix, l’Etat slovène devrait en revanche s’attacher à un plus grand respect du droit européen », a conclu Reporters sans frontières.
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Mise à jour le 20.01.2016