“L’abandon des charges contre une journaliste de Mapuexpress doit permettre un débat serein sur l’environnement”

Photographe et contributrice du site Mapuexpress, Marcela Rodríguez a heureusement obtenu l’abandon des poursuites engagées contre elles pour “désordre public” à l’issue de sa comparution, le 22 juin 2011, devant le tribunal de Temuco (Sud). Le ministère public a renoncé aux charges en application du principe d’opportunité, qui lui permet de se désister d’une procédure si les faits incriminés n’attentent pas à l’intérêt public. Marcela Rodríguez, 29 ans, risquait une peine de 300 jours de prison et une amende tributaire faute de reconnaître sa “culpabilité” depuis qu’elle avait été arrêtée, le 13 mai dernier avec dix autres personnes, en couvrant une manifestation à Temuco contre le projet hydroélectrique “HydroAysen”. Très contesté, ce chantier de cinq centrales de 2 750 mégawatts fait l’objet, depuis le 20 juin, d’une suspension sur ordre de la cour d’appel de Puerto Montt (Sud). “La quasi coïncidence des deux décisions de justice signifie-t-elle un pas vers un débat serein sur les questions environnementales au sein de la société chilienne ? L’abandon des charges contre Marcela Rodríguez doit marquer la fin d’un tabou sur un sujet majeur d’intérêt public. C’est au nom de ce principe et du droit légitime d’informer que Reporters sans frontières s’est portée garante de la jeune femme et appuie le recours présenté le 21 juin, veille de sa relaxe, devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme”, a déclaré l’organisation. ________________ 17.05.11 - Le tabou environnemental révélé par de nouvelles affaires d’entrave à la liberté d’informer Un vaste mouvement de protestation mobilise en ce moment nombre de citoyens contre l’approbation imminente du projet “Hydroaysén” d’implantation de cinq barrages hydroélectriques en Patagonie. Dans le sud du pays, à Temuco, une manifestation fortement réprimée au bout de cinq minutes s’est soldée par la détention, le 13 mai 2011, de la photographe et collaboratrice du site Mapuexpress, Marcela Rodríguez. La rédaction du site a fait savoir à Reporters sans frontières que la jeune femme, âgée de 29 ans, avait été victime de mauvais traitements de la part des carabiniers. Elle devrait comparaître devant la justice le 22 juin prochain avec dix autres personnes poursuivies comme elle pour “désordre public”, d’après le site de la station Radio Bío Bío. Le ministère public a requis pour chacune 300 jours de prison et une amende tributaire au cas où les prévenus refuseraient de reconnaître leur responsabilité dans les faits cités. “Nous espérons que dans le cadre de cette procédure, les carabiniers fourniront à la fois des explications sur leur comportement au cours de la détention de la web-journaliste et sur les atteintes préalablement commises contre la liberté de réunion et la liberté d’informer pourtant garanties par la Constitution. A Santiago, 30 000 personnes ont défilé. Pourquoi la manifestation, de moindre ampleur, et sa couverture ont-elles tourné courts si vite à Temuco ? Le conflit suscité par le projet Hydraysén se superpose au lourd contentieux territorial entre les communautés Mapuches et les autorités dans cette région du pays. Le sort de Marcela Rodríguez prend un écho particulier quand au même moment, le cas de la documentariste Elena Varela connaît un rebondissement inquiétant”, a déclaré Reporters sans frontières. Auteur du film “Newen Mapuche”, portant sur le conflit agraire et environnemental opposant les peuples indigènes d’Araucanie au gouvernement, Elena Varela avait été arrêtée et inculpée dans une affaire de droit commun en cours de tournage en 2008, avant d’obtenir la relaxe et d’être libérée le 22 avril 2010. Les nombreuses zones d’ombre entourant le dossier laissaient soupçonner une manœuvre de censure contre la cinéaste, alors que deux équipes de documentaristes étrangers également venus couvrir la question Mapuche en Araucanie avaient été expulsés du pays durant la même période. Le film d’Elena Varela est désormais prêt à la diffusion et commence d’ailleurs à être projeté dans certains festivals au Chili et dans d’autres pays (sa sortie est prévue en France en septembre 2011). Pourtant, dans une lettre datée du 13 avril dernier et dont nous avons reçu copie, la CORFO (Corporación de fomento de la producción – organisme public d’aide à la production) a opposé à Elena Varela une fin de non-recevoir à sa demande d’aide à la distribution nationale et internationale de “Newen Mapuche”. Motif : “l’œuvre nuirait à l’image du pays”. “Il est évident qu’il s’agit d’une censure politique”, a réagi l’Association des documentaristes du Chili (ADOC) dans une lettre ouverte adressée, le 12 mai dernier, à Hernán Cheyre, vice-président exécutif de la CORFO et au ministre de la Culture, Luciano Cruz-Coke. La cinéaste a, quant à elle, déposé un recours auprès des services du ministère de la Culture dont la décision, attendue le 11 mai, n’est toujours pas venue. “Notre appréciation de l’affaire rejoint celle des cinéastes de l’ADOC. Le motif invoqué contre l’aide à la distribution de ‘Newen Mapuche’ sonne même comme la confirmation qu’Elena Varela avait bien été arrêtée, en 2008, pour avoir consacré un film à une question dont le gouvernement ne veut manifestement pas entendre parler. Outre son caractère techniquement absurde – puisque certaines projections ont lieu - une décision définitive au détriment du film révèle la persistance d’un tabou qu’il est grand temps de lever. Le documentaire d’Elena Varela soulève un vrai problème d’intérêt public national voire international. Au nom du débat, de la liberté d’expression et de la liberté d’information, “Newen Mapuche” doit bénéficier d’une distribution normale”, a déclaré Reporters sans frontières. Lire également le rapport de l’organisation “Des enquêtes à hauts risques : déforestation et pollution”.
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Updated on 20.01.2016