La surveillance généralisée des communications bientôt à l’agenda parlementaire

Reporters sans frontières condamne vivement le projet de loi visant à mettre en place un dispositif de surveillance généralisée des communications électroniques et téléphoniques, que le gouvernement britannique entend soumettre au parlement dans les prochaines semaines. “Nous sommes choqués par l’évocation de plus en plus fréquente, dans des Etats réputés démocratiques comme l’Inde, la France, l’Australie et maintenant le Royaume-Uni, d’une volonté de contrôle systématique des communications en usage dans les pays les plus répressifs de la planète. Le projet des autorités britanniques est disproportionné et dangereux, et son efficacité est sujette à caution: en plaçant sous surveillance l’ensemble des citoyens, il aurait pour effet d’inciter ceux qu’il cible à recourir à des techniques d’anonymisation aisément accessibles. Enfin, l’absence d’encadrement judiciaire peut faire craindre toutes les dérives”, a déclaré Reporters sans frontières. “La mise en place de ce système transformerait les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les opérateurs téléphoniques en auxiliaires de police. Discutable sur le principe, cette idée se heurte en outre à d’importants obstacles juridiques, techniques et financiers. Le Royaume-Uni, patrie de l’habeas corpus, se doit de rester exemplaire quant à la protection des droits et des libertés individuelles. Nous appelons les autorités britanniques à abandonner ce projet et à envisager d’autres moyens pour mener la nécessaire lutte contre le terrorisme, tout en respectant les libertés individuelles et le droit à la vie privée”, a conclu l’organisation. Le 1er avril 2012, le ministère de l’Intérieur (Home Office) a confirmé qu’un projet de loi visant à mettre à la disposition du renseignement britannique tous les relevés de communication téléphonique et électronique des citoyens, était à l’étude. Expliquant à la presse que ce système devait permettre de lutter plus efficacement contre “les crimes graves et le terrorisme”, le porte-parole du Home Office a précisé que la mesure serait discutée “dès que le calendrier parlementaire le permettrait”. Selon les explications fournies par des représentants du gouvernement et de la majorité, le système reposerait essentiellement sur les intermédiaires techniques (FAI, opérateurs téléphoniques, hébergeurs). Ces derniers devraient garantir au Government Communications Headquarters (GCHQ), l'une des trois agences de renseignement britanniques, un accès en temps réel au registre des communications de tous les citoyens, ainsi qu’à l’historique de leurs consultations en ligne, indépendemment de toute autorisation judiciaire ou de toute enquête en cours. A l’heure actuelle, une telle liste ne peut concerner qu’une personne visée par une enquête et ne peut être obtenue qu’après l’autorisation d’un magistrat. Les autorités pourraient ainsi constituer une base de données permettant de lister les appels téléphoniques, emails et SMS échangés entre deux correspondants, leurs horaires, leur fréquence, leur durée, ainsi que les sites Internet consultés par un particulier. En revanche, une autorisation préalable resterait nécessaire pour accéder au contenu des échanges. Reporters sans frontières encourage les autorités britanniques à agir en concertation avec les acteurs du Net et dans la plus grande transparence. A l’heure actuelle, de nombreuses questions restent sans réponse: qui serait en charge de la gestion et de la protection des données rassemblées par ce système de surveillance? Combien de temps seraient-elles conservées? Dans son rapport de juin 2011, le rapporteur spécial des Nations-Unies pour la liberté d’expression, Frank La Rue, s’alarmait de la propension de certains Etats à “accroître leur pouvoir de surveiller les activités des internautes (...) sans apporter suffisamment de garanties contre d’éventuels abus”, et du manque de “lois de protection des données (...) précisant qui est autorisé à accéder aux données personnelles, dans quel but elles peuvent être utilisées, comment elles doivent être conservées et pour combien de temps”. M. La Rue rappelait que “le droit à la vie privée ne (pouvait) être limité que dans certaines circonstances exceptionnelles”, et non de manière systématique. Un projet de loi similaire, présenté par le gouvernement travailliste, avait été ajourné en 2009 après une levée de boucliers au sein de la société civile. A l’été 2011, les autorités britanniques avaient suscité l’inquiétude en exigeant la collaboration de BlackBerry et des principales chaînes de télévision pour identifier les émeutiers de Londres, et en menaçant de restreindre l’accès aux services de messagerie instantanée, aux réseaux sociaux et aux microblogs.
Publié le
Updated on 20.01.2016