La regrettable instrumentalisation de la mort du journaliste Gilles Jacquier

Lire en arabe (بالعربية) Qui est responsable de la disparition du grand reporter Gilles Jacquier, le 11 janvier 2012 à Homs, en Syrie ? Qui est l’auteur du coup de mortier qui l’a atteint, alors qu'il sortait de l'escalier d'un immeuble ? Le régime de Bachar Al Assad, pour dissuader les journalistes de témoigner ? Ou les rebelles ? Alors qu’une nouvelle version prétendant expliquer les circonstances de la mort du journaliste de France 2 a fait surface quelques jours avant l’anniversaire de sa mort, Reporters sans frontières réitère son soutien à la famille, aux amis, consoeurs et confrères du journaliste. L’organisation demande que la lumière soit faite sur cette disparition, ainsi que sur celles des journalistes occidentaux et syriens qui ont perdu la vie en couvrant le conflit. “Gilles Jacquier, qui s’est tant battu pour établir la vérité sur les conflits qu’il a couverts, mérite que la vérité soit connue sur sa propre mort. Malheureusement, celle-ci est désormais un enjeu politique, avec des versions contradictoires. Chacune des parties a intérêt à accuser l’autre. Mais il est crucial, pour ses proches, pour nous tous, que la vérité sur la mort de Gilles Jacquier soit enfin établie”, a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. En juillet 2012, un article du quotidien Le Figaro évoquait la responsabilité des rebelles dans la mort du journaliste. A l’inverse, selon un communiqué de l’Armée syrienne libre (ASL), repris le mardi 8 janvier 2013 par la chaîne de télévision Al-Arabiyya, les combattants de l’opposition en Syrie ont annoncé la capture d’un groupe armé oeuvrant pour le compte du régime de Bachar Al-Assad, et qui aurait admis sa responsabilité dans la mort du journaliste. L’ASL affirme être prête à livrer ces hommes aux autorités françaises ainsi qu’aux instances judiciaires internationales. Une enquête diffusée le 10 janvier 2013 dans le magazine Envoyé spécial sur France 2 recense les pistes possibles, les versions contradictoires et l’absence de preuves. Le reportage débute par un constat accablant : “Une disparition instrumentalisée, utilisée par les acteurs du conflit à des fins de propagande”. Une enquête préliminaire pour homicide volontaire a été ouverte par le parquet de Paris le 13 janvier 2012. Depuis le début de la révolution syrienne en mars 2011, le sinistre bilan du nombre de journalistes tués n’a cessé de s’alourdir. Le 4 janvier dernier, Suhail Mahmoud Al-Ali était le dix-neuvième journaliste à trouver la mort dans ce conflit, et l’on estime qu’au moins 49 citoyens-journalistes ont également été assassinés. “L’exercice du métier de journaliste en zone de guerre a toujours été une activité à risques, mais avec le conflit en Syrie, une étape supplémentaire a été franchie. Les journalistes sont sciemment pris pour cibles, avec la volonté évidente d’empêcher les professionnels de l’information de faire leur travail et de les manipuler. Il est de plus en plus difficile de témoigner de ce qui est en train de se passer sur place. Ce conflit se déroule à présent pratiquement à huis clos”, a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016