La rédaction du journal en ligne El Faro attend toujours une protection après des menaces

L'inquiétude reste de mise au sein de la rédaction du quotidien en ligne El Faro, depuis ses récentes révélations touchant au thème ultra sensible des gangs (Maras) sévissant dans le pays. Son directeur, Carlos Dada (photo), a catégoriquement démenti auprès de nous certaines informations selon lesquelles des mesures de sécurité lui auraient été proposées à l’initiative du ministre concerné, le général David Munguía Payés. “L'accord n'a pas été passé avec moi”, nous a-t-il déclaré. Il y a pourtant extrême urgence. La rédaction d’El Faro faisait déjà l’objet de surveillances et de filatures jugées inquiétantes par ses représentants, depuis que le journal avait publié, en mai 2011, un article mettant en cause les connexions – connues sous le nom de Cartel de Texis - entre des leaders de gangs, d’importants chefs d’entreprise et des politiciens locaux dans les régions de Chalatenango et Santa Ana. Cette situation a pris une envergure nouvelle lorsque El Faro a commencé à révéler, le 14 mars dernier, de présumées négociations secrètes entre les redoutables gangs des Maras et le gouvernement. En échange d’une trêve des assassinats, une trentaine de membres détenus de la Mara 18 et de la Mara Salvatrucha (MS13) auraient obtenu l’assouplissement de leur régime pénitentiaire et leurs transferts vers d’autres établissements carcéraux. Le gouvernement a vigoureusement démenti l’information. Au cours d’une réunion tenue le 16 mars avec la presse – mais en l’absence d’El Faro, selon nos sources – le ministre Munguía Payés a manifesté ses craintes pour Carlos Dada et sa rédaction compte tenu du risque que comportait ce genre de révélations. Le ministre - auprès duquel Carlos Dada avait avant publication tenté de confirmer la nouvelle du transfert des “mareros” mais sans obtenir de réponse - a ensuite averti le journaliste de possibles agissements des gangs contre ses collègues et lui-même. David Munguía n’a jamais détaillé la nature des menaces ni évoqué une quelconque protection lors de cet entretien, selon Carlos Dada. Le 22 mars, Carlos Dada a vu une justification supplémentaire à ses craintes lorsqu’un communiqué conjoint des deux gangs a été diffusé lors de l’émission “8 Punto”, sur la chaîne Canal 33, à laquelle il participait. “Il est inouï que des personnes comme Carlos Dada existent”, était-il écrit dans ce communiqué. Carlos Dada en a publiquement appelé, à la fin de l’émission, à la responsabilité du président de la République et ancien collègue, Mauricio Funes. Quelques jours plus tard, la chaîne Canal 12 a fait mention d’une déclaration de Carlos Mojica, l’un des chefs de la M18, dont les termes auraient été les suivants : “Dis-lui (à Carlos Dada – ndlr) qu’il ne s’inquiète pas et qu’on le pardonne.” Le 28 mars, Mauricio Funes en personne a, de nouveau, démenti tout “pacte” avec les Maras. “L’assassinat de Christian Poveda, toujours dans les mémoires, pèse sur la présente affaire qui rappelle le risque extrême que prennent les journalistes à informer sur le phénomène des Maras. Nous faisons nôtre la question soulevée par Carlos Dada : pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas ordonné immédiatement des mesures de protection alors qu’un tel risque lui paraissait d’emblée si évident ? Nous réclamons un dispositif de sécurité pour la rédaction d’El Faro”, a conclu Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016