La promulgation d'une nouvelle loi sur la diffamation met en péril la liberté de la presse

Reporters sans frontières s'alarme de la promulgation par le gouvernement d'une nouvelle loi sur la diffamation qui prévoit des peines de prison pour avoir "ridiculisé, critiqué injustement, dénigré, outragé ou attisé la haine". "Chaque pays doit se doter de lois qui permettent de sanctionner les appels à la haine et à la violence, mais ce texte, aux notions si floues qu'elles permettront tous les excès, est une véritable épée de Damoclès dressée au-dessus des journalistes indépendants et d'opposition. Nous regrettons vivement que votre gouvernement n'ait pas pris en compte les remarques des organisations de journalistes pakistanaises et internationales", a affirmé Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, dans une lettre adressée au ministre de l'Information, Nisar A. Memon. "A une semaine d'élections législatives contestées, cette loi est un nouvel obstacle à une couverture équilibrée et objective des derniers moments de la campagne électorale et des résultats", a ajouté Robert Ménard. Reporters sans frontières a demandé au ministre d'intervenir auprès du président Pervez Musharraf pour que cette loi soit amendée afin de supprimer les peines de prison. L'organisation a également appelé le ministre à garantir la possibilité pour toutes les formations politiques de bénéficier d'une couverture équitable dans les médias publics. Selon les termes de l'Ordonnance sur la diffamation, promulguée le 1er octobre 2002 par le gouvernement militaire pakistanais, les peines encourues pour "diffamation" sont renforcées. Elles peuvent aller jusqu'à trois mois d'emprisonnement, être assorties d'une amende de près de cinquante mille roupies (huit cent cinquante euros), et de l'obligation de publier des excuses. Cette loi s'applique aux directeurs et aux journalistes de la presse écrite et électronique. La loi prévoit que toute "publication ou circulation d'une fausse information (..) faite oralement ou par écrit ou par image qui insulte la réputation d'une personne (…) peut être considérée comme une diffamation." Le plaignant aura deux mois après la publication de la "diffamation" pour déposer une plainte devant un juge de district. Les droits de la défense sont protégés par la loi et il existe une possibilité d'appel devant la Haute Cour. Ces initiatives controversées ont été prises malgré l'avis des patrons de presse et des journalistes pakistanais. Ainsi, Hameed Haroon, président de la Société de toute la presse pakistanaise, a réagi à la promulgation de cette loi : " Ils essaient très clairement d'en finir avec la liberté de la presse (…) Ces lois sont inacceptables." Au mois de juin 2002, Rauf Klasra, journaliste de The News à Islamabad, avait été placé sous surveillance policière et harcelé pour avoir révélé l'existence du projet de loi sur la diffamation.
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Mise à jour le 20.01.2016