La presse privée dans la tourmente d'une guerre par procuration

Reporters sans frontières dénonce les mesures d'intimidation et de censure prises récemment à l'encontre de la presse privée par les gouvernements du Tchad et du Soudan, après que des rebelles, que N'Djamena accuse d'être à la solde de Khartoum, ont lancé une offensive contre la capitale tchadienne. "Proie facile, bouc émissaire systématique et défouloir opportun en cas de crise, la presse fait, une fois de plus, les frais des tensions qui règnent entre le Tchad et le Soudan. A N'Djamena, le gouvernement maintient une chape de plomb menaçante sur les journalistes, tandis qu'à Khartoum, la police politique continue d'empêcher la circulation d'opinions embarrassantes pour le gouvernement. Ces attitudes sont désolantes", a déclaré l'organisation. L'état d'urgence a été instauré au Tchad le 15 février 2008 sur toute l'étendue du territoire, selon un décret du président tchadien Idriss Deby Itno. Aux termes de ce dernier, un couvre-feu a été instauré sur le territoire, ainsi que le "contrôle de la circulation des personnes et des véhicules", les "perquisitions à domicile et le contrôle de la presse publique et privée". La presse tchadienne est, de fait, quasiment moribonde, la majeure partie des responsables des journaux et des radios de la capitale étant cachés ou partis en exil, par crainte d'être arrêtés. Selon le décompte de Reporters sans frontières, au moins dix directeurs de publication, rédacteurs en chef et journalistes des principales publications ou des radios privées de N'Djamena sont réfugiés au Cameroun ou au Nigeria. Le correspondant de l'organisation, par ailleurs journaliste de l'hebdomadaire privé Le Temps, Laldjim Narcisse, fait partie des journalistes ayant préféré quitter le pays, après que les services de renseignements se sont présentés à son domicile peu après la fin des combats. Le 15 février, seuls le quotidien privé progouvernemental Le Progrès et l'hebdomadaire privé L'Observateur ont paru. La station privée FM Liberté est toujours fermée sur ordre du ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique, ainsi que l'hebdomadaire Notre Temps, dont le directeur de publication, Nadjikimo Benoudjita, inculpé en décembre 2007 d'"incitation à la haine tribale" après trois jours de prison, se trouve hors du pays. Au Soudan, les forces de sécurité ont empêché la parution, le 14 février 2008, du quotidien privé d'opposition al-Rai al-Shaab (proche du Parti populaire du Congrès, d'Hassan al-Turabi), après que celui-ci avait évoqué le soutien du gouvernement soudanais aux rebelles tchadiens qui sont entrés dans N'Djamena. Des agents de police ont fait irruption à l'imprimerie du journal, à l'aube, et ont ordonné la suppression de deux articles, avant d'interdire tout simplement l'impression de l'édition du jour, selon un collaborateur du quotidien cité par l'agence Reuters.
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Updated on 20.01.2016