La presse empêchée de couvrir les élections locales

Reporters sans frontières condamne l’interdiction par le ministère de l'Information cambodgien, faite aux stations de radio relayant les programmes de Voice of America (VOA) et Radio Free Asia (RFA), de diffuser les émissions concernant les élections locales qui se sont déroulées le 3 juin 2012 dans tout le pays. Une station a été fermée pendant une journée tandis qu’une autre a été contrainte de diffuser des programmes musicaux. “La censure des programmes de RFA et VOA a privé les électeurs d’informations objectives et détaillées. L’attitude du ministère de l’Information est très inquiétante pour la tenue des élections générales, prévues en 2013. Le Parti du peuple cambodgien du Premier ministre Hun Sen dirige le Cambodge depuis près de trois décennies. Le musellement de la presse indépendante par le gouvernement, auquel s’ajoute le recours aux biens publics et aux fonctionnaires pour les intérêts du parti, dénoncés par des observateurs électoraux, sont directement responsables de l’absence de réel scrutin démocratique, attendu par la population”, a déclaré Reporters sans frontières. “Nous rappelons au gouvernement qu’un accès sans entrave à une information indépendante constitue le fondement pour toute élection libre et transparente. Le contrôle de l’information en ligne et de la presse doit être abandonné avant les élections générales de 2013, qui ne pourront, autrement, être qualifiées de transparentes et démocratiques”, a ajouté l’organisation. VOA aurait dû diffuser son émission sur les fréquences de Sarika FM 106.5, à Phnom Pehn, et d’Angkor Ratha FM95.5, à Siem Reap (Nord). D’autres médias, dont le nombre exact n’a pu être mesuré, ont également été empêchés de diffuser les informations provenant des deux médias étrangers. Le directeur du Women’s Media Center, Chea Sundanetha a déclaré avoir reçu, le 31 mai, un appel de la part du ministère, le sommant d’arrêter la diffusion des programmes de VOA et RFA, ainsi que de Radio France International et Radio Australia. Le propriétaire d’Angkor Rattha Radio, Keo Rattha, a témoigné avoir reçu des ordres similaires. D’après Pa Nguon Teang, directeur exécutif du Cambodian Center for Independent Media, le ministère aurait interdit toute diffusion d’informations sur les élections pendant deux jours, sur ordre du Comité National des Élections. Toutefois, un membre de cet organisme a déclaré que le Comité n’était pas au courant de l’interdiction. Selon le directeur du Comité pour des Élections Libres et Justes (Committee for Free and Fair Elections), Koul Panha, les médias contrôlés par l’État ont pu diffuser leurs émissions sans problèmes. Une confirmation, le 4 juin, de l’ordre restrictif à l’égard de VOA et RFA a été fournie par le directeur du département audiovisuel du ministère de l’Information, San Putheary. D’après lui, la mesure aurait été mise en place en toute légalité, afin de maintenir un “environnement tranquille” (“quiet atmosphere”) pour les cambodgiens en période électorale. Internet en danger “Dans ce contexte de censure des médias, nous sommes également en droit de nous inquiéter de la conception d’une toute première législation sur Internet destinée à empêcher la “propagation de fausses nouvelles”, à lutter contre le terrorisme ou la mise en danger de l’Etat', a estimé Reporters sans frontières. “Ce sont des alibis très souvent utilisés par des gouvernements répressifs, comme la Chine ou l’Iran, pour justifier le contrôle de l’information en ligne, et ce, aux dépens des voix dissidentes. Il est essentiel que la société civile soit consultée en amont du projet et que les autorités fassent preuve de transparence dans la conception de cette loi, en respectant les standards internationaux qui régissent la liberté d’expression et d'information.” En effet, le Cambodge serait en passe de se doter de sa première cyber-loi. D’après les déclarations d’Ek Tha, porte-parole du service de presse du conseil des Ministres, recueillies par le Phnom Penh Post, ce projet de loi ne “vise pas à restreindre les médias”. Il serait mis en place pour veiller à ce que l’ “'intérêt commun soit protégé” et éviter “la propagation, par des individus malintentionnés, de fausses informations ou d’informations sans fondement qui pourraient induire en erreur le public et affecter la sécurité nationale ou la société”. Son but officiel serait notamment d'empêcher le 'vol de secrets d’Etats' et 'la lutte contre le terrorisme'. Dans l’article, Chem Sangva, directeur général du département de l’inspection au Ministère de la Poste et des Télécommunications, a déclaré que le Cambodge avait sollicité d’autres pays de la région pour l’aider dans la rédaction de la loi.
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Mise à jour le 20.01.2016