La lutte contre le crime de lèse-majesté renforcée, malgré les mises en garde d'ONG

Reporters sans frontières exprime sa plus vive inquiétude suite à la création récente, au sein du ministère thaïlandais de l’Information et des Technologies de la Communication (MICT), d’une brigade de policiers, chargée de faire la chasse aux sites Internet accusés de commettre des crimes de lèse-majesté dans le pays. "Sous prétexte de défendre des droits et prérogatives de la monarchie, le crime de lèse-majesté est devenu une arme politique au service de politiciens agissant pour leur propre intérêt. Nous condamnons cette limitation de la liberté d’expression des internautes, et demandons au gouvernement de revenir sur sa décision de créer une telle brigade", a déclaré l’organisation. La brigade de lutte contre le crime de lèse-majesté sur Internet, récemment créée par le gouvernement, aura pour mission de détecter et de poursuivre les sites dont le contenu peut être considéré comme un crime de lèse-majesté. Le 9 août 2009, Somdej Khaokham, chef du bureau du MICT, a appelé la police à veiller à une stricte application de la loi. Cette brigade est composée de webmasters et d’experts en informatique. Depuis un an, les autorités thaïlandaises ne cessent d’acquérir des équipements toujours plus perfectionnés afin de traquer les internautes qui tiendraient des propos considérés comme irrespectueux envers la monarchie. Toutes les monarchies constitutionnelles, à l’exception du Japon, possèdent des lois qui protègent les membres de la famille royale. Toutefois, la Thaïlande est le pays le plus sévère en la matière, punissant d’une peine de 3 à 15 ans de prison, toute personne ayant commis un crime de lèse-majesté (art 112 du code pénal de Thaïlande relatif aux offenses à la sécurité nationale). Le nombre de cas annuels de crime de lèse-majesté a augmenté de 1 000 % depuis le milieu des années 1960. La peine infligée a plus que doublé et des milliers de sites sont aujourd’hui censurés en Thaïlande. Depuis le 20 décembre 2008, le gouvernement d’Abhisit Vejjajiva dirige la Thaïlande. L’une de ses priorités est la régulation de la Toile. Ainsi, un mois seulement après son entrée en fonction, près de 4 000 sites étaient bloqués en raison de leur "contenu portant atteinte à la monarchie." La nouvelle ministre de l’Information, Ranongruk Suwanchawee, a décidé de consacrer 80 millions de bahts (soit près de 1,7 millions d’euros) à la création d’un réseau de filtrage de l’Internet nommé "War Room". La liberté des quelque 14 millions de Thaïlandais à se connecter quotidiennement sur Internet est aujourd’hui menacée dans le royaume. N’importe quel citoyen peut demander l’ouverture d’une enquête s’il soupçonne une personne de porter atteinte à la famille royale. Critiquer le roi est considéré comme une atteinte à la sécurité nationale. Par ailleurs, en 2007, est entré en vigueur le "Computer Crime Act", relatif à Internet. En vertu de cette loi, les fournisseurs d’accès à Internet doivent conserver les informations individuelles des internautes pendant 90 jours. Les autorités ont le pouvoir de vérifier ces informations sans aucun contrôle judiciaire. Sur le trône depuis 1946, le roi Bhumibol a déclaré le 5 décembre 2005 : "En réalité, je ne suis pas au-dessus de la critique. Je ne la crains pas si elle concerne ce que je fais de mal (…) Car, si vous dites que le roi ne peut être critiqué, cela veut dire que le roi n’est pas un homme." Reporters sans frontière renouvelle son appel au Premier ministre thaï, lancé en avril 2009, pour la réforme de la législation concernant le crime de lèse-majesté.
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Updated on 20.01.2016