La femme du président Robert Mugabe poursuit un hebdomadaire pour avoir repris une révélation de WikiLeaks

Le 15 décembre 2010, Grace Mugabe, la femme du président Robert Mugabe, a entamé des poursuites judiciaires contre l’hebdomadaire indépendant The Standard. La Première dame du Zimbabwe reproche au journal un article révélant son implication dans un trafic de diamants et réclame 15 millions de dollars américains de dommages et intérêts. "L'action intentée par la femme du Président vise à déstabiliser The Standard, qui n'a fait que reproduire une information accessible à tous grâce à WikiLeaks. La mésaventure de ce journal rappelle que diffuser des informations compromettantes sur de hauts responsables ou des personnes liées au pouvoir est un exercice périlleux au Zimbabwe. Grace Mugabe n'hésite pas à abuser de sa position pour mettre à genoux financièrement le journal. Cette affaire illustre en effet la volonté des autorités d'asphyxier financièrement la presse critique car demander une somme aussi exorbitante au Standard revient à lui faire mettre la clef sous la porte", a déclaré Reporters sans frontières, qui se dit indignée par ces poursuites. "Une fois que vous êtes poursuivi, vous devez faire appel à des avocats, ce qui est très coûteux. Petit à petit, cela peut nous ruiner", estime Wilf Mbanga, qui publie The Zimbabwean, un autre journal du pays. La plainte de l'épouse de Robert Mugabe fait suite à la publication par le journal d’un câble diplomatique de 2008, révélé par WikiLeaks, dans lequel l’ancien ambassadeur américain au Zimbabwe, James McGee, informait Washington que Grace Mugabe, avec d’autres membres de l’élite zimbabwéenne, avait fait d’énormes profits grâce au trafic de diamants de la mine de Chiadzwa, dans la région de Marange (est du pays). Selon le diplomate américain, cette source illégale de revenus rapporterait "plusieurs centaines de milliers de dollars par mois" à la Première dame et à ses partenaires. Les poursuites engagées par Grace Mugabe – et le gouverneur de la Banque centrale, Gideon Gono, accusé pour sa part d'avoir facilité l'enrichissement de la Première dame par l'impression de billets de banque – s'ajoutent aux nombreuses plaintes qui accablent déjà l'hebdomadaire. Pour avoir été cité dans un article sur une affaire de corruption et de trafic de diamants, le ministre des Mines, Obert Mpofu, réclame 25 millions de dollars américains au journal. La vice-Premier ministre, Thokozani Khupe, demande, quant à elle, 500 000 dollars américains au Standard qui a affirmé qu’elle serait enceinte d’un célèbre homme d’affaires zimbabwéen. Enfin, la chaîne publique Zimbabwean Broadcasting Corporation (ZBC) réclame 10 millions de dollars américains au journal suite à un article dénonçant l'enrichissement de ses responsables et les retards dans le paiement des salaires des journalistes. La plainte de la Première dame vient aggraver les relations déjà tendues entre les autorités et l'hebdomadaire The Standard, l'un des rares titres indépendants dans ce pays privé de liberté de la presse depuis plusieurs années. En novembre dernier, son rédacteur en chef, Nevanji Madanhire, a passé plus de vingt-quatre heures en détention et l’un de ses journalistes, Nqobani Ndlovu, près de neuf jours. Plus d’informations Photo : AFP
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Mise à jour le 20.01.2016