La descente aux enfers continue pour les médias honduriens

Cinq ans après le coup d’Etat du 28 juin 2009, la situation de la liberté de l’information continue de se dégrader au Honduras. Le pays se trouve parmi les plus dangereux du continent pour les journalistes. Reporters sans frontières (RSF) fait le point sur un début d’année particulièrement préoccupant pour les acteurs de l’information.


Les acteurs de l’information honduriens continuent de travailler dans un climat particulièrement hostile. Journalistes et médias sont victimes de menaces, harcèlement judiciaire, agressions et assassinats. D’après la Commission nationale des droits de l’homme (Conadeh), 96% des 51 assassinats de journalistes recensés par l’organisation depuis 2003 restent impunis au Honduras. Ceux qui enquêtent sur l’insécurité, les violations des droits de l’homme, la corruption, le crime organisé et son infiltration dans les institutions publiques sont particulièrement exposés à des représailles.


L’impunité est d’autant plus préoccupante au regard de l’hostilité affichée des autorités - y compris au plus haut niveau - à l’encontre des médias. Loin de garantir la sécurité physique des journalistes, celles-ci tentent de minimiser la gravité de la situation notamment en niant la relation des meurtres avec leur profession. Suite à l’assassinat d’Erick Arriaga, opérateur de Radio Globo, le 23 février dernier, les autorités ont présenté la victime comme étant associée à des gangs.


“Reporters sans frontières dénonce l’attitude inacceptable des autorités vis-à-vis des journalistes dans le pays, déclare Claire San Filippo, responsable du bureau Amériques de l’organisation. Non seulement, elles font preuve de passivité face à la violence en ne résolvant presque aucun des crimes commis à l’encontre de la profession, mais elles menacent le travail des journalistes au quotidien. Accès à l’information publique limité, poursuites en justice indues et menaces de représentants de l’État sont le lot des journalistes critiques du gouvernement. Quand l’État va-t-il cesser de museler l’information et assumer son rôle de garant des droits et offrir une réelle sécurité à la profession? Face à l’absence de protection et de justice, un journaliste hondurien doit-il vivre dans la peur, entre violence et répression, ou s’autocensurer?"


Haro sur les médias d’opposition


Les autorités affichent une volonté claire de contrôler l’information et de museler les voix critiques. Les médias communautaires et ceux d’opposition comme Radio Globo ou Canal 36 sont particulièrement visés. Ils voient leur accès à l’information publique limité et subissent un acharnement procédurier dissuasif et de nombreuses menaces.


L’accréditation de journalistes critiques de la politique gouvernementale auprès des institutions publiques ou à l’occasion d’événements d’intérêt général est en effet devenue problématique dans le pays. Ainsi, le directeur de Radio Globo David Romero Ellner et son collègue Rony Martínez se sont vus refuser l’accès à la réunion des présidents du Honduras, du Salvador et du Guatemala, le 26 février dernier. La couverture du travail du Congrès national est également de plus en plus restreinte. Le journaliste de Globo Noticias Honduras Meridiano César Silva et la correspondante de Reporters sans frontières, Dina Meza semblent, entre autres, être personna non grata. RSF avait écrit au président du Congrès le 9 décembre 2014 pour résoudre ce problème mais n’a obtenu aucune réponse des autorités. L’État hondurien s’inscrit en porte à faux avec la déclaration des principes sur la liberté d’expression de la Commission inter-américaine des droits de l’homme qui rappelle que : “l’accès à l’information détenue par l’État est un droit fondamental de toute personne. Les États ont l’obligation de garantir le plein exercice de ce droit”.


Les médias d’opposition continuent d’être soumis à un harcèlement judiciaire indu fortement dissuasif. Les autorités honduriennes ont ainsi refusé d’appliquer les mesures conservatoires octroyées par la Commission inter-américaine des droits de l’homme, le 5 novembre dernier à Julio Ernesto Alvarado. Le journaliste de TV Globo s’était vu interdire d’exercer son métier pendant 16 mois en décembre 2013 pour diffamation à l’encontre de l’ancienne doyenne de la Faculté nationale de sciences économiques du Honduras.


Reporters sans frontières est particulièrement inquiète de l’attitude hostile des représentants de l’État à l’encontre des médias critiques. Le 26 janvier dernier, Cesar Silva a été menacé de finir "bâillonné dans un fossé" par le chef de la sécurité spéciale du président du Congrès, Mauricio Oliva, et un membre de la Garde d'honneur présidentielle des forces armées. Le conseiller du président Juan Orlando Hernández, Marvin Ponce, a insulté et frappé au visage David Romero Ellner dans la cabine de Radio Globo, le 30 janvier dernier, après l’avoir menacé de mort au téléphone. La veille, le journaliste avait été suivi par le directeur de la police Héctor Iván Mejía Velásquez.


Les radios communautaires comme Radio Coco Dulce ou La Voz de Zacate continuent d’être très vulnérables aux attaques compte tenu de la législation en vigueur sur la radiodiffusion et les télécommunications. Le Honduras est loin de laisser 33% des fréquences aux médias communautaires tel que recommandé par la Commission inter-américaine des droits de l’homme et Reporters sans frontières. Le 22 janvier dernier, la police a tenté de faire une descente à la radio communautaire La Voz de Puca, à La Asomada (département de Lempira). Un de ses programme de radio avait critiqué le couple présidentiel l’année dernière.

Le Honduras est 132ème sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.

Publié le
Updated on 20.01.2016