La crédibilité du Conseil des droits de l’homme risque-t-elle d’être fragilisée en intégrant la Libye à ses membres ?

Le 13 mai prochain, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies va renouveler quatorze de ses quarante-sept sièges de pays membres. Parmi les candidats pressentis et pour le moins controversés : la Libye. Or cet Etat n’est pas un modèle en matière de respect des droits de l’homme. La Libye avait déjà été élue en janvier 2003 à la présidence de la Commission des droits de l'homme des Nations unies. La crédibilité de cette institution en avait alors pris un coup. Aujourd’hui, la possibilité que la Libye siège au Conseil des droits de l’homme, alors même que ce pays bafoue quotidiennement les droits les plus élémentaires de sa population, risque de fragiliser la crédibilité de cet organe onusien. Malgré les signes d’ouverture timides dans le domaine de la liberté de la presse au cours des deux dernières années, les autorités libyennes mènent une campagne de contrôle répressif à l’encontre des médias, notamment les sites d’informations indépendants. En juin 2009, la nationalisation de la chaîne Al-Libiya, ainsi qu’une nouvelle chaîne Al-Wasat, constituent un retour en arrière. En janvier 2010, les journaux privés de la société Al-Ghad de Seif Al-Islam Kadhafi, le fils du dirigeant Mouammar Kadhafi, Oea et Quryana, ont dû cesser de paraître, suite au refus de l’Autorité générale de la presse de continuer à les imprimer, prétextant le défaut de paiement de certaines factures. Depuis, les titres continuent à publier en ligne. Par ailleurs, si les sites d’informations indépendants basés à l’étranger, tels que Libya Al-Youm, Al-Manara et Jeel Libya, ont longtemps été accessibles en Libye, et leurs correspondants autorisés à travailler dans le pays, les autorités ont commencé, en janvier 2010, à censurer Internet, en bloquant par exemple le site YouTube depuis le 24 janvier. Cette décision fait suite à la publication en ligne de vidéos relatives aux manifestations de familles de prisonniers dans la ville de Benghazi, et d’images de membres de la famille de Mouammar Kadhafi au cours de soirées. Le 24 janvier 2010, d’autres sites d’opposition indépendants ont également été bloqués. Les autorités ont récemment mis en place un nouvel organe, chargé de contrôler les journalistes et les professionnels des médias qui publient des rapports et des enquêtes sur les affaires de corruption en Libye. La liberté d’expression en Libye est donc pour le moins contrôlée, alors que même le droit à informer et à être informé sont au cœur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, comme le stipule l’Article 19. Beaucoup de responsables politiques et d’ONG pensent qu’en intégrant les pays les moins démocratiques dans le Conseil des droits de l’homme, la situation s’améliorera peu à peu. Les exemples de la Chine et de Cuba, qui siègent au Conseil depuis des années, viennent démontrer le contraire : le bilan de ces deux Etats dans le domaine des droits de l’homme n’a pas connu d’amélioration significative. Les modalités de sélection des membres composant le Conseil sont de plus en plus remises en question. Reporters sans frontières est inquiète de voir une organisation comme le Conseil des droits de l’homme des Nations unies perdre sa crédibilité si la Libye venait également à y siéger. Mouammar Kadhafi illustre la nouvelle campagne de Reporters sans frontières contre les prédateurs de la liberté de la presse, conçue par l'agence Saatchi&Saatchi et réalisée par les artistes Stephen J Shanabrook et Veronika Georgieva.
Publié le
Updated on 20.01.2016