La Cour européenne des droits de l'homme condamne la France pour atteinte à la liberté de l'information

Reporters sans frontières demande le réexamen de la loi de 1881 sur la presse La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France, le 25 juin 2002, pour violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif à la liberté d'expression et au droit d'informer. Le journal Le Monde avait saisi la Cour de Strasbourg suite à sa condamnation en mars 1997 par la cour d'appel de Paris pour "offense" au roi du Maroc en vertu de l'article 36 de la loi sur la presse de 1881 sur l'offense envers un chef d'Etat étranger. La Cour de cassation avait confirmé cette condamnation. Reporters sans frontières salue cette décision de la Cour européenne. L'organisation a interpellé le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Dominique Perben, dans un courrier qui lui a été adressé le 26 juin 2002. "L'offense aux chefs d'Etat étrangers est l'une de ces dispositions poussiéreuses qui font de la législation française sur la presse l'une des plus rétrogrades en matière de liberté de l'information en Europe. Il est inadmissible aujourd'hui que les chefs d'Etat bénéficient de privilèges exorbitants du droit commun et soient protégés au-delà des dispositions sur la diffamation", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "La vérité est que la liberté de la presse est souvent le dernier des soucis des tribunaux en France. Ces derniers mois encore, la justice française a multiplié les jugements défavorables à la liberté d'informer. La Cour européenne la rappelle à l'ordre une fois de plus. Nous demandons le réexamen des dispositions qui encadrent inutilement et excessivement la liberté de l'information en France" a ajouté M. Ménard dans sa lettre. Reporters sans frontières rappelle que la Cour de cassation avait entériné, le 28 septembre 2000, la condamnation de l'Evénement du Jeudi pour offense au Premier ministre du Togo suite à un article mettant en cause ses liens avec la secte du Mandarom. En 2001 en revanche, le tribunal correctionnel de Paris avait considéré dans une autre affaire, que la protection particulière accordée par la loi française aux dirigeants étrangers était incompatible avec la Convention européenne des droits de l'homme. Reporters sans frontières rappelle que les tribunaux français ont multiplié, ces derniers mois encore, les jugements défavorables à la presse, en contradiction constante avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui considère, le plus souvent, ce droit comme prioritaire "compte tenu de l'intérêt de la société démocratique à maintenir la liberté de la presse". Des journalistes ont ainsi été mis en examen ou condamnés, en 2001, pour diffamation pour des articles d'investigation sur des sujets d'intérêt public liés aux affaires (affaire des ventes d'armes illégales à l'Angola, scandale de la transfusion sanguine), pour "atteinte à la présomption d'innocence" en vertu des nouvelles dispositions de la loi du 15 juin 2000 (publication d'une photo de l'ex-dirigeant de la compagnie pétrolière Elf, Alfred Sirven, à la prison de la Santé), et pour "atteinte à l'intimité de la vie privée", nouveau chef d'inculpation à l'encontre des photographes ayant bénéficié en 1999 d'un non-lieu général dans l'affaire de la mort accidentelle de la princesse de Galles en 1998. La Cour de cassation a par ailleurs validé en 2001 l'existence pour les journalistes d'un nouveau délit de "recel de violation du secret de l'instruction", alors même que la CEDH a condamné la France, en 1999, dans une affaire similaire, jugeant que la condamnation d'un journaliste pour "recel de document provenant de la violation du secret professionnel" constituait une "ingérence" anormale de l'autorité judiciaire dans la liberté d'expression. Enfin, le respect de la protection des sources des journalistes fait régulièrement l'objet de nouvelles mises en cause.
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Updated on 20.01.2016