Journalistes menacés en Colombie - “Nous ne nous tairons pas”

Les journalistes menacés par le groupe criminel paramilitaire « Bloque Capital - Águilas Negras » convoquent, ce jeudi 11 décembre, un rassemblement à Bogota pour dénoncer les risques qu’ils encourent. Alors que les Águilas Negras ont donné aux médias jusqu’au 1er janvier pour quitter les villes où ils exercent leurs activités, le gouvernement colombien n’a toujours pas réagi. Reporters sans frontière s’inquiète des risques qui pèsent sur la liberté d’information et le pluralisme en Colombie. Avec trois listes noires en moins de quatre jours début décembre, les Águilas Negras ont clairement signifié leur volonté de réduire au silence les journalistes qui dérangent. Qui sont les nouvelles cibles qualifiées de « terroristes guidées par les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) et l’ELN (Armée de libération nationale) » que le groupe promet de « faire taire par le plomb»? Quatorze journalistes et 12 médias, la plupart alternatifs ou communautaires qui couvrent le processus de paix, enquêtent sur les violations des droits de l’Homme, le crime organisé ou la corruption. Ils ont affirmé dans un communiqué : "nous ne nous tairons pas". Les accusations des Águilas Negras font écho de manière troublante à celles proférées par le sénateur et ancien président Alvaro Uribe lors d’un débat au Sénat le 17 septembre dernier. Il avait alors accusé Canal Capital d’être « un média complice avec le terrorisme». « Reporters sans frontières condamne les menaces des Águilas Negras à l’encontre des médias communautaires, déclare Claire San Filippo, responsable du bureau Amérique de l’organisation. Essayer de faire taire ces médias est une atteinte au pluralisme et vise à renforcer un climat de peur et d’autocensure pour empêcher que les journalistes ne couvrent des sujets sensibles tels que la corruption et le crime organisé. Face à la gravité de la situation, il est inacceptable que les autorités colombiennes restent silencieuses. En ne condamnant pas ces menaces et en ne faisant pas de la lutte contre l’impunité une priorité claire, l’Etat donne de facto un blanc-seing aux groupes criminels. » Avec 56 journalistes tués depuis 2000, la Colombie reste un pays extrêmement périlleux pour exercer une activité journalistique, a fortiori pour les médias alternatifs ou communautaires qui enquêtent sur des sujets sensibles. Le pays compte sur une forte présence de bandes criminelles paramilitaires qui sèment la terreur avec la complicité ou non des autorités locales dans un climat d’impunité quasi totale. Les Águilas Negras continuent d’être l’un des principaux Prédateurs contre la liberté de la presse dans le pays. Ils avaient déjà organisé des campagnes d’intimidation et de violences contre la presse locale en 2006 et 2007 et fait circuler en mars 2011 une liste de cinq journalistes à abattre. Plus récemment, le 14 août 2014, les « Águilas Negras » avaient envoyé des menaces de mort au photographe indépendant Juan Pablo Gutiérrez et, le 1er décembre à Canal Capital, Telesur, au portail d’analyse d’’information l’Agence de reporters sans frontières - avec laquelle Reporters sans frontières n'a aucun lien - et au journaliste Nelson Arnesto, fondateur du Patio Bonito Al Día. La Colombie est 126ème sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières le 12 février dernier.
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Mise à jour le 20.01.2016