Journal suspendu, matériel saisi, journalistes arrêtés : sanctions disproportionnées contre un journal pro-islamiste

Reporters sans frontières s’inquiète de l'avalanche de sanctions contre le journal Dainik Inqilab. En l’espace de quelques heures, les autorités ont suspendu la publication papier du quotidien, saisi tout son matériel d’impression et placé trois de ses journalistes en détention. “La publication de fausses informations représente une faute de la part d’un média. Toutefois, les sanctions à son encontre ne doivent pas être disproportionnées. Le recours par les autorités à la loi Information, Communication, Technology (ICT) ainsi que les mesures prises contre ce journal sont totalement excessives” a déclaré l’organisation. “Il existe des alternatives à de telles mesures. Le quotidien pourrait par exemple, renouveler ses excuses dans son édition papier pendant une durée déterminée. Nous demandons aux autorités de rendre la liberté à ces journalistes et de lever l’interdiction de publication qui pèse sur le quotidien”, a ajouté Reporters sans frontières. Le 15 janvier dernier, le journal pro-islamiste Dainik Inqilab a publié dans son édition en ligne et papier un article, qui révélait que des forces indiennes avaient participé de concert avec les autorités bangladaises à une opération dans la région de Satkira, visant à éliminer un groupe de combattants pro-islamistes clandestin. Le 16 janvier la police a effectué un raid dans les locaux du Dainik Inqilab, saisi ses installations informatiques, scellé les imprimantes, et a procédé à l’arrestation de trois de ces journalistes : le rédacteur en chef Rafiullah Robi, le rédacteur en chef adjoint Rafiq Mohammad et le correspondant Ahmed Atik. La publication du quotidien est temporairement suspendue. Les autorités ont invoqué la loi ICT, adoptée en 2006 et qui traite des crimes dits numériques et de la "publication en ligne de fausses informations ou à caractère obscène ou diffamatoire". Dépeinte par Reporters sans frontières comme “liberticide”, elle permet aux forces de l’ordre de procéder à des arrestations sans mandat judiciaire, et rend impossible la libération sous caution. Les autorités qui reprochaient au journal d’avoir publié un rapport sans fondement, nuisible à l’image du pays, et “susceptible de créer le trouble dans l’esprit des citoyens” ont obtenu la publication d’excuses dans l’édition en ligne du Dainik Inqilab, et le retrait de l’article incriminé. Toutefois, ce lundi 20 janvier 2014 la Cour de Dacca a autorisé la police à interroger Ahmed Atik pendant deux jours, et à maintenir en détention Rafiullah Robi et Rafiq Mohammad pendant la durée de l’enquête, après le rejet de leur demande de libération sous caution. Le Bangladesh, actuellement secoué par des manifestations relatives aux élections législatives du 5 janvier dernier, se situe à la 144ème position sur 179 dans le classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2013.
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Updated on 20.01.2016