IraNeda: la voix indépendante

Plus d’un an et demi après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, Reporters sans frontières continue à soutenir les journalistes iraniens. Vingt-sept d’entre eux restent détenus en Iran à ce jour, et une centaine ont été contraints à l’exil par le régime de Téhéran. Ce sont autant de voix réduites au silence, autant de victoires pour les autorités. Pour lutter contre la censure de l'information, quinze représentants éminents de la diaspora iranienne, parmi lesquels des journalistes, ont créé la chaîne satellitaire participative IraNeda. Reporters sans frontières leur a apporté un soutien financier en novembre 2010, pour le lancement de leur site. Tous les contenus de la chaîne seront en effet également disponible sur Internet. Mehdi Jami, co-fondateur du projet et rédacteur en chef du site Internet d’IraNeda, témoigne sur l’origine du projet et la volonté des créateurs d’offrir tant à leurs compatriotes qu’à la communauté internationale, une source d’information indépendante et non-partisane. Pouvez-vous nous présenter le projet et les ambitions d’IraNeda ? Mehdi Jami : IraNeda est à l’origine une fondation à but non lucratif fondée par quinze personnalités iraniennes reconnues, mues par le but commun de créer une chaîne de télévision satellitaire et un site d’information participatifs. Ce projet est une grande première. Ce média, tenu par des professionnels, s’appuiera sur son public qui participera largement à la création des contenus. L’offre d’information en persan prospère depuis plusieurs mois, en raison notamment de l’importance du mouvement populaire né en 2009. Néanmoins, les titres qui ont été lancés restent majoritairement détenus ou inféodés à des gouvernements. IraNeda souhaite répondre au besoin d’une presse professionnelle indépendante à l’écoute de son public. Comment cela se traduit-il dans les faits? En quoi IraNeda est-il différent d’un média traditionnel ? Mehdi Jami : IraNeda entend être un média fait par et pour les membres de la diaspora iranienne et les Iraniens vivant en Iran. Nous souhaitons répondre aux attentes de ces deux catégories de personnes. En leur confiant les rennes d’IraNeda, nous sommes convaincus que nous participerons à l’évolution et la construction d’un nouvel Iran. Au cours des trente dernières années, les Iraniens ont beaucoup émigré. On trouve d’importantes communautés iraniennes en Allemagne, en Norvège comme en Malaisie, en Australie, au Canada ou encore aux Emirats Arabes Unis. Chacune d’entre elles doit composer avec une langue et une culture différente, ce qui représente, en plus de la partition géographique, une autre source de division. Les Iraniens en Iran sont eux aussi divisés. La violence du régime envers toutes les voix dissidentes de la société civile, associée à la fermeture et la traque systématique des médias et journalistes critiques, ont conduit au morcellement de l’opinion publique. Un média qui souhaite s’adresser à l’ensemble de la communauté iranienne se doit de prendre en compte cet état de faits. C’est ce qu'entend faire IraNeda en encourageant tous les Iraniens à participer. Combien de personnes travaillent-elles à la création du projet ? Mehdi Jami : IraNeda bénéficie du soutien de nombreux volontaires, nos effectifs varient en fonction des besoins. Il y a cependant un noyau dur de 5 à 10 personnes qui travaillent sur le site, la réalisation de vidéos, le fundraising et la gestion de projet. La vocation première d’IraNeda est de diffuser et partager des contenus audiovisuels et de rassembler le plus de contributeurs possibles. Pour notre projet initial, “Un jour dans la vie des Iraniens”, 25% des images reçues nous ont été envoyées d’Iran. Il y a de nombreuses chaînes de télévision disponibles en Iran. Qu’apporte IraNeda ? Mehdi Jami : Les événements qui ont suivi juin 2009 ont constitué d’une certaine manière, la plus grande avancée en terme de traitement médiatique en Iran et transformé les Iraniens en “experts” du journalisme citoyen. IraNeda entend capitaliser sur cette expérience. Nous sommes convaincus que les Iraniens ont les capacités et l’envie de participer au processus médiatique et plus particulièrement à alimenter la première chaîne de télévision participative en persan. Nous sommes convaincus que cette forme de média est susceptible de servir au mieux la société iranienne et d’avoir un impact parce qu’elle offre une place à tous. De par son fonctionnement même, IraNeda sera un vecteur de modernité et de démocratie. L’aide financière de Reporters sans frontières : En novembre 2010, Reporters sans frontières a accordé une aide financière de près de 3000 euros à IraNeda. L’objet de cette bourse était double : financer la création de leur site Internet, Iraneda.net et participer aux frais engagés par la fondation pour la conférence qu’elle a tenue à Londres en août dernier en vue de son lancement. Cette action a pu être menée grâce au soutien de l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) de l’Union européenne, dont Reporters sans frontières est bénéficiaire.
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Updated on 20.01.2016