Internet: le Kazakhstan bientôt placé sous surveillance?

Le Kazakhstan, qui se veut un modèle régional après avoir assumé la présidence tournante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 2010, semble mettre de côté ses belles promesses pour s’engager résolument sur le chemin de la cybercensure. Une vingtaine de sites jugés “extrémistes” a été bloquée, le 20 août 2011, sur décision d’un tribunal de district d’Astana (capitale). Selon ce dernier, ces sites ont aidé à promouvoir “le terrorisme et l’extrémisme religieux” et contenaient “des appels à commettre des actes terroristes et à fabriquer des engins explosifs”. Mais parmi les sites bloqués, figurent notamment les très populaires plates-formes de blogs en langue russe, LiveJournal et LiveInternet. “Nous demandons la révision de ce jugement qui, au prétexte de sécurité intérieure, bloque entièrement des plates-formes de blogs majeures, censurant ainsi de nombreux contenus qui ne sont absolument pas concernés par les termes de la décision. Si la lutte contre le terrorisme est légitime, elle ne doit pas entraîner la fermeture de sites d’information indépendants”, a déclaré Reporters sans frontières. “Le Kazakhstan a longtemps fait office de ‘pionnier’ régional pour la sophistication de son contrôle d’Internet, mais jusqu’à présent, celui-ci est resté relativement limité. Le blocage de LiveJournal, après le retrait de Google du pays il y a quelques mois, marque un tournant. Astana est-il en train de glisser sur la pente dangereuse de ses voisins ouzbek et turkmène, désignés comme ‘ennemis d’Internet’?” Fragilisées par la mauvaise santé du chef de l’Etat Nursultan Nazarbaïev et une sourde lutte pour la succession au sein des services de sécurité, les autorités sont actuellement confrontées au mouvement social le plus suivi et le plus long de l’histoire du Kazakhstan. En conséquence, la censure se développe depuis plusieurs mois dans le pays: elle a notamment tenté de passer sous silence les conséquences de deux explosions “terroristes” en mai dernier, à Astana et à Aktobé (Ouest), et s’acharne aujourd’hui à limiter les informations sur les grèves en cours. Depuis le 19 août, les locaux du site d’information indépendante Stan TV à Almaty ont reçu une série de visites de contrôle s’apparentant clairement à du harcèlement de la part des autorités. Le portail réalise des reportages qui sont régulièrement diffusés sur la chaîne satellitaire indépendante K+, consacrée à l’actualité centre-asiatique et très critique des autorités kazakhes. Inspecteurs fiscaux, pompiers venant vérifier le respect des normes anti-incendies, architectes et mêmes représentants de l’inspection sanitaire, se sont succédés dans les bureaux de Stan TV. Etrangement, ils se sont tous intéressés particulièrement aux antennes paraboliques installées sur le toit et aux dispositifs de transmission de l’information vers l’étranger. Le portail constitue une source d’information privilégiée sur le conflit qui oppose depuis trois mois le pouvoir aux salariés en grève des compagnies Karajanbasmunaï et Uzenmunaïgaz, dans la région de Mangistau (Ouest). Après de nombreuses arrestations dans les rangs des manifestants, la violence est montée d’un cran avec l’assassinat du syndicaliste Jasylyk Turbaev le 2 août, puis celui de la fille du leader d’un comité syndical, Jansaul Karabalaeva, le 24 août. En mai 2011, le gouvernement avait exigé que Google n’utilise que des serveurs basés sur le territoire kazakh, afin de pouvoir contrôler au mieux les informations y transitant. L’entreprise a cependant préféré quitter le pays, le 9 juin, en supprimant son site google.kz. La demande du gouvernement kazakh auprès du moteur de recherche s’inscrivait dans une politique de centralisation de toute source d’information à l’intérieur du pays, imposant aux domaines en .kz de gérer leur trafic via des serveurs locaux exclusivement. “Cette volonté de sectionner le Net en tronçons nationaux est intolérable et incompatible avec la nature même d’Internet, a déclaré Reporters sans frontières. Nous nous félicitons de la réaction de Google, qui a refusé de céder aux pressions du gouvernement et l’a même obligé à faire machine arrière”. Pays le plus prospère d’Asie centrale, la “démocratie dirigée” kazakhe se trouve à la 162e place sur 178 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2010.
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Updated on 20.01.2016