Inquiétudes pour l'indépendance des médias à la veille du second tour de l'élection présidentielle

Reporters sans frontières et l'Agence de monitoring de la presse ont procédé à un monitoring des médias durant la campagne pour l'élection présidentielle. La presse écrite se révèle plus libre et plus critique envers le candidat du pouvoir que l'audiovisuel. Les médias publics sont accusés de censure et de manipulation de l'information.

Reporters sans frontières et l'organisation roumaine Agence de monitoring de la presse (MMA) ont procédé à un monitoring des médias durant la campagne pour l'élection présidentielle, du 21 octobre au 28 novembre. « Si l'équilibre entre les forces politiques en présence a été respecté dans la presse écrite, le nombre d'informations à caractère politique a considérablement baissé à la télévision pendant la campagne. Cette absence notable de débat autour de l'élection est inquiétante puisque la télévision est la principale source d'information pour 73 % des Roumains », ont déclaré Reporters sans frontières et l'Agence de monitoring de la presse. « Nous sommes également inquiets face aux témoignages sur la censure et la manipulation de l'information à la télévision et à la radio nationales. Nous tenons à rappeler que le rôle des médias publics n'est pas de servir de porte-parole au pouvoir en place, mais d'offrir à la population une information complète, impartiale et indépendante sur les sujets d'intérêt général », ont ajouté les deux organisations. Les premières semaines de campagne ont été caractérisées par une chute du nombre d'apparition des principaux candidats dans les journaux télévisés et à la radio, ainsi que par une baisse importante du nombre d'informations à caractère politique à la télévision. Pour expliquer ce phénomène, les responsables du secteur audiovisuel ont invoqué l'ambiguïté et la sévérité de la loi électorale qui pousse les journalistes à une certaine autocensure. Le monitoring révèle un équilibre entre le nombre d'apparitions des leaders du Parti social-démocrate (PSD, au pouvoir) et ceux de l'opposition de centre droit Justice et Vérité (DA), dans les journaux télévisés en prime time. Cet équilibre est imputable à la loi électorale qui impose des critères très stricts concernant la répartition des temps d'antenne. En revanche, concernant la qualité des informations diffusées, la télévision s'est révélée plus favorable au candidat du parti au pouvoir. Ainsi, entre le 21 octobre et le 3 novembre, Adrian Nastase, actuel Premier ministre et candidat du PSD, a été le candidat le plus fréquemment associé à des actions jugées positives dans les journaux télévisés (dans 10 apparitions). Au contraire, Traian Basescu, actuel maire de Bucarest et candidat de l'opposition, a été le candidat le plus souvent associé à des actions négatives (dans 5 apparitions). La situation est similaire sur la période concernée pour les journaux radio en prime time. La présence des candidats à l'élection a été plus importante dans la presse écrite et les journalistes s'y sont montrés plus critiques. Si Adrian Nastase a été le candidat le plus présent, il a également été le plus critiqué avec 41 % d'apparitions à caractère négatif. Le 30 novembre, après la demande d'annulation de l'élection par l'opposition, la chaîne publique TVR1 a transformé son journal en campagne ouverte contre Traian Basescu. 15 sujets sur 16 ont porté sur la demande d'annulation des élections. Mais un seul a présenté le point de vue de Traian Basescu, tandis que toutes les autres personnalités invitées à s'exprimer sur ce sujet (journalistes, politologues, hommes politiques) ont pu affirmer leur opposition à cette demande. Alexandru Costache, du service information de TVR1, a rendu publiques les pressions politiques, la censure et la désinformation régnant au sein de la télévision publique. « C'est comme si nous étions attachés par un cordon ombilical au PSD, mais surtout à Adrian Nastase », a affirmé le journaliste dans une lettre ouverte. Des accusations similaires ont été portées contre la radio publique, la Société Roumaine de Radiodiffusion. Par ailleurs, plusieurs incidents ont été à déplorer pendant la campagne pour le premier tour de l'élection. Le 6 novembre, en l'espace de quelques heures, trois personnalités politiques et administratives ont cherché à intimider Sebastian Oancea, journaliste du quotidien local Ziarul de Vrancea, qui couvrait la campagne de l'Union PSD-PUR à Focsani (nord-est de Bucarest). Les 24 et 25 novembre, près de la moitié du tirage de l'hebdomadaire satirique Academia Catavencu a disparu des kiosques, tôt le matin. Selon Liviu Mihaiu, rédacteur en chef adjoint, des hommes du PSD ont été vus faisant le tour des kiosques dans tout le pays pour acheter la totalité des exemplaires du journal. Selon lui, cette édition présentait une « enquête compromettante pour le Premier ministre et candidat du PSD à la présidence, Adrian Nastase ». Le porte-parole du PSD, Titus Corlatean, a démenti ces accusations. Le compte rendu détaillé de ce monitoring est disponible en roumain sur le site de l'Agence de monitoring de la presse :www.mma.ro
Publié le
Updated on 20.01.2016