Incertitudes sur le sort de Roméo Langlois, appel à la prudence dans le maniement de l’information

Le climat reste lourd d’incertitudes, quarante-huit heures après la disparition du journaliste indépendant français et correspondant pour France 24, Roméo Langlois, le 28 avril 2012, dans le département de Caquetá. Disparition ? Enlèvement par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ? Les autorités colombiennes avancent toujours la première version. Le gouvernement français a fait sienne la seconde au lendemain des événements, par la voie de son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. Pourtant, ce dernier a reconnu, ce 30 avril, ne pas pouvoir étayer son hypothèse de façon absolue, quand les autorités de Bogotá exigeaient, la veille, de la guérilla, de ne pas attenter à la vie du journaliste “au cas où elle le détiendrait”. “Ces conjectures et revirements en disent malheureusement long sur l’absence d’éléments fiables concernant le sort de Roméo Langlois. Le maniement des informations appelle, en ces circonstances, la plus grande prudence. Le conflit armé colombien porte également en lui la guerre des mots et des demi vérités, aux conséquences dangereuses pour ses victimes. Les recherches doivent se poursuivre, et aucune affirmation susceptible d’exposer Roméo Langlois a davantage de risques ne doit être brandie tant que sa situation réelle n’aura pas été confirmée”, a déclaré Reporters sans frontières. Roméo Langlois reste introuvable depuis une attaque des FARC survenue le 28 avril contre un détachement de 24 militaires et trois officiers de police judiciaires, en charge d’une opération – baptisée Alquimia (“Alchimie”) - de démantèlement de laboratoires clandestins de fabrication de cocaïne. Le gouvernement parle d’un effectif d’une centaine de guérilleros à l’origine des échanges de tirs, qui ont notamment coûté la vie au sergent responsable de la protection personnelle de Roméo Langlois. Les cinq militaires portés disparus à l’issue de l’attaque ont tous été retrouvés, en vie. D’après nos informations recueillies auprès du journaliste italien Simone Bruno, également correspondant pour France 24 et présent dans le Caquetá, Roméo Langlois a retiré son casque et son gilet pare-balles au cours de l’attaque, afin de s’identifier comme civil. Toujours selon lui, un protocole de sécurité avait été mis au point avant la couverture des opérations militaires dans la région, incluant une communication régulière avec la famille de Roméo Langlois et les représentants diplomatiques. Quant à la sécurité du convoi militaire, elle n’a pu être assurée normalement par les deux hélicoptères alors en patrouille en raison du mauvais temps. Simone Bruno s’est rendu en compagnie de deux autres journalistes, dans la soirée du 29 avril à Florencia (capitale du département), afin de récupérer les effets et le matériel de Roméo Langlois. Nous espérons qu’il pourra obtenir les enregistrements effectués par Roméo Langlois le 28 avril, afin que soit mieux connues les circonstances de l’attaque. Le journaliste italien nous a assuré qu’il ne quitterait pas la région avant de connaître de façon ferme le sort de son collègue. Ce drame rappelle la persistance du conflit armé qui mine le pays depuis un demi-siècle, auquel Roméo Langlois a consacré plusieurs reportages remarqués. Bien qu’affaiblies par les décès de leurs principaux commandants (Manuel Marulanda, Raúl Reyes) et de récentes désertions, les FARC gardent la maîtrise de certains territoires. La guérilla a annoncé, en ce début d’année 2012, renoncer à toute prise d’otages de civils. Figurant parmi les pays les plus dangereux du continent pour la profession, la Colombie affiche le triste record des exils, intérieurs ou extérieurs, de journalistes menacés par les groupes armés – en particulier paramilitaires -, les narcotrafiquants ou certaines autorités compromises avec ces derniers. _____________ 29.04.12 - Mobilisation nécessaire et prudence de rigueur après la disparition du journaliste français Roméo Langlois

Reporters sans frontières attend à la fois avec espoir et inquiétude un signe de vie de Roméo Langlois, journaliste français indépendant et correspondant pour la chaîne d'informations France 24, au lendemain de sa disparition, le 28 avril 2012, dans le département de Caqueta, au sud du pays.

Cinq autres personnes seraient portées disparues avec notre collègue à la suite d'une attaque de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) contre des effectifs de l'armée mobilisés dans le cadre d'une opération anti-drogue.

"Cet épisode témoigne à la fois du courage individuel des journalistes exposés au risque maximal dans l'exercice de leur métier. Il rappelle également que la Colombie est très loin d'en avoir terminé avec un conflit armé vieux d'un demi-siècle. Nous exprimons tout notre soutien à Roméo Langlois, à sa famille et à ses collègues, ainsi qu'aux autorités mobilisées, tant en Colombie qu'en France, pour le retrouver avec les autres disparus, dans une région d'accès difficile. A cette heure, notre inquiétude première vient du peu d'informations consécutives à ce drame", a déclaré Reporters sans frontières.

La Colombie figure parmi les pays les plus dangereux du continent pour les journalistes, avec le Mexique et le Honduras. Si le nombre de collègues tués a diminué ces dernières années, celui des exilés a fortement augmenté, notamment en raison de la menace des groupes armés dans certaines régions.
Publié le
Updated on 20.01.2016