Guerre et crise humanitaire: la presse empêchée de travailler

Reporters sans frontières entend saisir la Mission internationale de surveillance pour qu'elle facilite le travail des journalistes dans les régions touchées par le conflit, et plus particulièrement à Muttur (Nord-Est). L'organisation déplore que les deux parties, le gouvernement et le Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE), ne garantissent pas un accès des zones de conflits à la presse nationale et internationale. « Nous sommes conscients que certaines régions du pays sont devenues très dangereuses du fait des combats, mais cela ne peut en aucun cas être un argument des autorités ou du LTTE pour interdire à la presse de se déplacer et d'enquêter sur la situation réelle dans l'Est et le Nord », a déclaré Reporters sans frontières. « Alors que les victimes civiles se comptent par centaines, il est impératif que les deux parties laissent les humanitaires et les reporters travailler sans entraves dans les régions affectées. Il est urgent que l'on sache ce qui s'est passé à Muttur et dans les autres zones touchées par les affrontements », a ajouté l'organisation. Depuis le début des combats dans la région de Trincomalee, plusieurs journalistes sri lankais et étrangers se sont vus refuser par l'armée sri lankaise l'accès à des villes stratégiques, notamment Muttur. Par ailleurs, l'armée bloque les accès aux zones contrôlées par le LTTE. Il est de fait impossible de s'y rendre par voie terrestre. Les séparatistes tamouls n'ont montré aucune volonté de permettre aux journalistes indépendants de couvrir le conflit depuis les zones sous leur contrôle. Et pendant leur offensive sur Muttur - ville à majorité musulmane - ils ont refusé l'accès à la presse et aux humanitaires. Le 7 août, un groupe de journalistes, incluant notamment une équipe de la BBC, s'est vu refuser par l'armée l'accès à Muttur. C'est dans cette ville que 17 employés tamouls de l'ONG française Action contre la Faim ont été assassinés le samedi 5 août. Le gouvernement et le LTTE se rejettent mutuellement la responsabilité de ce massacre. « La présence de très nombreux barrages de l'armée nous empêchent d'accéder à des zones pourtant loin des combats. Nous avons eu, après quelques jours, des autorisations officielles, mais sur le terrain, cela ne nous permet pas d'aller partout », témoigne une envoyée spéciale d'un média étranger. Tous les journalistes sur le terrain s'accordent à dire que les restrictions rendent très difficile la couverture du conflit et l'accès aux victimes. La marine sri lankaise avait conduit, sous escorte, des journalistes à Muttur, le 5 août, depuis Trincomalee. Après l'annonce du LTTE, la veille au soir, de son retrait de la ville, les troupes gouvernementales avaient progressivement repris le contrôle de cette localité. « Nous vivons dans la peur. (...) Notre devoir est d'informer, mais nous le faisons au péril de nos vies. (...) Toutes les restrictions qui nous sont imposées, nous privent d'un accès aux victimes de cette guerre », a expliqué au téléphone un journaliste basé à Trincomalee. Reporters sans frontières est extrêmement préoccupée par le sort des correspondants tamouls, musulmans et cingalais basés dans la région de Trincomalee. « Les combats mais également les assassinats ciblés les placent dans une situation très périlleuse. Encore une fois, c'est le droit à l'information qui est bafoué », a ajouté Reporters sans frontières. L'organisation rappelle que le 24 janvier 2006, Subramaniyam Sugirdharajan, 35 ans, correspondant du quotidien en langue tamoul Sudar Oli à Trincomalee, a été assassiné. La veille de sa mort, le journaliste avait rédigé un article sur les exactions des groupes paramilitaires tamouls. Malgré les promesses, l'enquête officielle sur ce meurtre est restée lettre morte.
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Updated on 20.01.2016