Guatemala: quelles perspectives pour la presse dans un pays rongé par la violence ?

A l’occasion de la journée des journalistes, le 30 novembre, RSF revient sur l’année 2016 particulièrement violente pour la presse au Guatemala, et salue les initiatives récentes des autorités pour renforcer la protection de la profession.

Avec un taux d’homicide supérieur à 30 pour 100 000 habitants, le Guatemala fait partie des 10 pays les plus meurtriers au monde, selon les derniers chiffres des Nations unies.


La presse n’est évidemment pas épargnée. RSF a comptabilisé pour la seule année 2016 pas moins de huit assassinats de journalistes*. Face aux lenteurs de la justice et à la rétention d’information de la part des autorités locales, le lien direct entre la mort et l’activité professionnelle de ces journalistes n’est avérée que pour deux des huit cas.


La Commission inter-américaine des droits de l’Homme (CIDH), dans un rapport sur la situation des droits de l’Homme au Guatemala diffusé en 2016, fait par ailleurs état d’un taux d’impunité s’élevant à plus de 95% pour les cas d’assassinats, toutes professions confondues. Le document souligne la grande difficulté d’exercer leur métier pour les journalistes, et plus particulièrement pour ceux qui tentent de couvrir les sujets liés aux violences, au crime organisé et à la corruption. Un bien triste constat, partagé par RSF.


Les journalistes guatémaltèques sont également ciblés par des campagnes d’intimidation et de harcèlement, souvent perpétrées par des élus et fonctionnaires publics, dès lors qu’ils sont considérés comme ‘gênants’. Les tentatives de censure, pendant les périodes électorales notamment, fragilisent elle aussi la profession.


“En ce jour particulier, RSF apporte tout son soutien aux journalistes du Guatemala qui, malgré un environnement particulièrement dangereux, poursuivent courageusement leur travail d’information déclare Emmanuel Colombié, directeur du Bureau Amérique latine de RSF. Le gouvernement doit par ailleurs maintenir ses efforts pour renforcer la protection de la profession, lutter contre la corruption et mettre fin à l’impunité, qui constitue une entrave dramatique à la liberté d’expression dans le pays”.


Depuis la prise de fonction du nouveau président Jimmy Morales, élu le 14 janvier 2016, plusieurs motifs de satisfaction sont en effet à souligner et à encourager, en premier lieu desquels la création imminente d’un Mécanisme national de protection des journalistes (Programa de Protección a Periodistas), aboutissement de quatre années de travail des autorités et de 16 organisations de la société civile. Il devrait être adopté et ratifié par le président Morales en personne, dans les jours qui viennent, et prévoit la mise en place de mesures de prévention et des dispositifs d’urgence pour les journalistes en danger.


Par ailleurs, la ministre de la Justice Thelma Aldana a annoncé au début du mois de novembre la restructuration et l’augmentation des ressources de l’Unité en charge des enquêtes sur les délits commis contre les journalistes (Unidad de Delitos contra Periodistas). Cette restructuration pourrait se concrétiser par la création d’un Parquet spécial en charge de ces agressions, rattaché au ministère Public. RSF salue cette volonté de renforcer les moyens des enquêteurs, une décision indispensable pour mettre fin à l’impunité qui plombe le pays.


Enfin, le Cerigua, partenaire de RSF dans la région, a enregistré dans son rapport annuel diffusé ce 28 novembre 56 cas d'agressions contres la presse en 2016, une baisse par rapport à la même période (janvier-novembre) en 2015, avec 43 agressions de moins. L’organisation ne manque pas de pointer malgré tout la hausse des assassinats et la permanence des violences et des menaces contre les journalistes dans les zones les plus reculées, et la grande inertie des pouvoirs judiciaires.


Le Guatemala se situe à la 121ème place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en avril 2016.


*Les 8 journalistes assassinés en 2016 au Guatemala:


NB: Face au manque d’informations fiables de la part de la police et justice locale, RSF n’a pas pu intégrer l’intégralité de ces cas dans son baromètre


- Mario Roberto Salazar, journaliste et directeur de Radio Estéreo Azúcar le 17/03/2016 à Asunción Mita (Jutiapa)


- Winston Leonardo Túnchez Cano, animateur pour Radio La Jefa , le 08/04/2016 à Escuintla (Escuintla)


- Diego Salomón Esteban Gaspar, animateur pour Radio Sembrador, le 30/04/2016 à Ixcán (Quiché)


- Víctor Hugo Valdez Cardona, animateur pour Chiquimula de Visión, le 07/06/2016 à Chiquimula (Chiquimula)


- Álvaro Aceituno López, animateur/propriétaire de Radio Illusión, le 25/06/2016 à Coatepeque (Quetzaltenango)


- Felipe David Munguía Jiménez, caméraman pour Canal 21, le 04/09/2016 à Santa Maria Xalapan (Jalapa)


- Josué David Chamán , animateur pour Radio Fuente de Vida, le 11/10/2016 à Cobán (Verapaz)


- Hamilton Hernández Vásquez, animateur pour Canal 5, le 05/11/2016 à Coatepeque (Quetzaltenango)

Publié le
Updated on 30.11.2016