Google se rebelle contre les censeurs du web

Reporters sans frontières salue la décision de l’entreprise américaine Google, le 12 janvier 2010, de ne plus censurer la version chinoise de son moteur de recherche google.cn, ce qui pourrait entraîner à terme la fermeture de google.cn et le retrait de Google du marché chinois. « Nous ne pouvons que nous féliciter du courage démontré par les dirigeants de Google. Enfin, une entreprise étrangère du secteur de l’Internet prend ses responsabilités vis-à-vis de ses usagers chinois et oppose une véritable résistance aux exigences des autorités, engagées dans une spirale infernale de répression du Net. Face aux attaques répétées, et de plus en plus sophistiquées, confrontée aux humiliations des autorités chinoises, qui l’accusent de ne pas en faire assez pour bloquer des informations jugées sensibles, Google hausse le ton et pose ses propres conditions pour continuer d’opérer en Chine. » « Nous demandons aux autres entreprises du secteur de faire front commun et aux autorités chinoises de reconsidérer leur position. Google semble ouvrir la voie : la collaboration des entreprises occidentales au contrôle de l’information n’est plus systématique », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de l’organisation. Reporters sans frontières a également salué le souci de transparence de Google : « En rendant publiques ces attaques, l’entreprise américaine montre clairement que sa priorité est de protéger les données personnelles de ses clients, notamment les plus vulnérables. Elle refuse d’être la complice des autorités chinoises dans leur traque aux dissidents sur la Toile. » Le revirement de Google ferait suite à des attaques lancées depuis la Chine contre les comptes Gmail de plusieurs dizaines de militants des droits de l’homme. Reporters sans frontières a elle-même été victime d’attaques venant de Chine. Une vingtaine d’entreprises du secteur des médias, de la technologie, mais aussi de la finance ou de la chimie, auraient également été touchées par ces attaques de hackers et victimes de vol de propriété intellectuelle. David Drummond, senior vice-président de Google, a posté le 12 janvier sur le blog officiel de Google l’explication suivante : « Nous avons pris la décision inhabituelle de partager l’information sur ces attaques avec un large public, non seulement en raison des conséquences en terme de droits de l’homme et de sécurité, mais aussi car cette affaire se situe au cœur d’un débat plus large sur le thème de la liberté d’expression. » Les autorités américaines ont immédiatement demandé des explications à la Chine. La secrétaire d’Etat Hillary Clinton a estimé que ces accusations « soulèvent de très graves inquiétudes. Il est fondamental, dans une société et une économie modernes, de pouvoir travailler dans le cyberespace avec confiance ». Les moteurs de recherche Yahoo ! et Google censurent depuis plusieurs années leurs versions chinoises en fonction des thèmes jugés « sensibles » par les autorités chinoises. Microsoft censure la version chinoise de son outil de blogs Windows Live Spaces. La censure touche les critiques du gouvernement, mais aussi les informations liées à la démocratie, aux droits de l’homme, au dalaï-lama, au mouvement spirituel Falungong, au massacre de Tiananmen Square, etc. Cette annonce, de la part du géant d’Internet, s’inscrit dans un contexte de renforcement de la répression sur Internet. En décembre dernier, le gouvernement chinois a annoncé l’entrée en vigueur de nouvelles régulations destinées à intensifier le contrôle du Net. Le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information veut obliger tous les sites – y compris étrangers - à s'enregistrer sur une "liste blanche", sous peine de tomber dans la catégorie "liste noire" et d’être inaccessibles aux internautes chinois. Par ailleurs, les noms de domaine chinois (.cn) ne peuvent plus être acquis que par des organisations ou des entreprises. Les individus ne peuvent plus s’en procurer. La lutte annoncée des autorités contre la pornographie en ligne, qui a entraîné l’arrestation de plus de 5000 personnes et la fermeture de 9000 sites Internet depuis un an, a aussi vu le blocage de sites qui n’avaient rien à voir avec la pornographie. Les sites Internet wired.com et IMDb.com ont récemment été bloqués dans le pays. La Chine, désignée comme un « ennemi d’Internet » par Reporters sans frontières, s’est dotée depuis plusieurs années déjà du système de censure et de surveillance du Web le plus sophistiqué au monde. Elle est la plus grande prison du monde pour les net-citoyens, avec 69 blogueurs et cyberdissidents détenus dans le pays. L’intellectuel et dissident Liu Xiaobo a été condamné, le 25 décembre dernier, à 11 ans de prison pour sa participation à la rédaction de la Charte 08, un texte demandant plus de libertés en Chine et la fin de la censure d’Internet. Le militant des droits de l’homme et cyberdissident Hu Jia a déjà passé plus de deux ans derrière les barreaux. Plusieurs personnes ont déposé des fleurs aujourd'hui devant les bureaux de Google Chine à Pékin.
AFP Photo
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Mise à jour le 20.01.2016