Enlèvements : menace quotidienne sur les journalistes libyens

Reporters sans frontières s’insurge contre la spirale de violence à l’encontre des professionnels des médias dans laquelle s’enfonce chaque jour un peu plus la Libye. “Il est affligeant et déconcertant de voir un pays, dont le peuple s’est battu pour abolir plus de quatre décennies d’autoritarisme, être ravagé par tant de violence à l’encontre des médias aujourd’hui,” s’indigne Reporters sans frontières. Le 10 février 2014, quatre journalistes ont été enlevés dans deux endroits différents de la capitale libyenne. Une équipe de la chaîne publique Al-Wataniya dépendant de la branche de Sabha (sud du pays), en déplacement à Tripoli, a été kidnappée sur la route de l’aéroport. Depuis lors, la direction de la chaîne indique être sans nouvelle des deux photographes Faddan Hussein Al-Sakit et Ibrahim Saeed Abdelda’im (عبدالدائم), ainsi que du journaliste Ibrahim Abdelkader Rieda. Dans la soirée, le rédacteur en chef du journal public Tarablus (Tripoli) et journaliste auprès de l’agence de presse officielle libyenne LANA, Younes Ali Younes, a été enlevé à la sortie d’un café dans le quartier de Zawiyat Al-Dahmani. D’après l’AFP, citant le directeur de LANA, "cinq hommes en tenue militaire à bord d'un véhicule blanc ont conduit le journaliste vers une destination inconnue". Younes Ali Younes a été relâché le lendemain après-midi. Aucun détail n’a été publié concernant les circonstances et les motifs de cet enlèvement. Quelques jours plus tôt, le 5 février, le bureau de la chaîne privée satellitaire Libya Likul Al-Ahrar ( ليبيا لكل الاحرار) à Benghazi avait été prise d’assaut par des hommes masqués qui avaient tiré sur les locaux de la chaîne avant de mettre le feu au véhicule de transmission satellitaire. L’attaque n’a fait a priori aucune victime. Ce n’est pas la première fois que la chaîne ou certains de ses collaborateurs sont la cible d’attaques. En août dernier, la directrice du bureau Khadija El-Emaime avait échappé de justesse à une tentative d’assassinat. Le 5 février encore, alors qu’il couvrait une manifestation, le responsable à Benghazi du bureau de la chaîne privée Al-Assima, Mohamed Al-Srit, a été enlevé vers minuit par quatre individus armés faisant partie de forces de sécurité rattachées au gouvernement, avant d’être relâché vers dix heures le lendemain matin. Le journaliste déclare avoir été insulté, violenté physiquement, accusé de ne pas être journaliste et de rapporter de fausses informations, notamment au sujet des forces armées libyennes. La carte SIM de son téléphone a été également confisquée. Reporters sans frontières s’inquiète profondément de la situation dans laquelle se trouve la Libye, trois ans après le début du soulèvement de 2011. L’organisation exhorte les autorités à tout mettre en oeuvre pour améliorer l’environnement dans lequel les journalistes libyens travaillent. Il est dans l’intérêt de tous les Libyens de garantir que les professionnels des médias puissent exercer leur métier en toute sécurité, sans craindre de se faire menacer, agresser, enlever ou assassiner. Reporters sans frontières rappelle, à la veille des élections des membres de l’assemblée constituante, que la liberté d’information est un droit fondamental dont le respect est une des conditions sine qua non à l’établissement d’une véritable démocratie respectueuse de l’Etat de droit.
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Updated on 20.01.2016