Enlèvements en série de professionnels des médias

Lire en arabe (بالعربية) Reporters sans frontières condamne avec la plus grande fermeté les récentes exactions commises à l’encontre de plusieurs médias libyens et exprime sa vive inquiétude face à la dégradation des conditions sécuritaires des journalistes. L’organisation demande expressément au gouvernement de transition libyen de faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir la sécurité des acteurs des médias libyens et internationaux dans l’exercice de leur fonction. Dimanche 28 avril, le correspondant de la chaîne Al-Arabiya, Mahmoud Al-Farjani, a été kidnappé par des milices armées dans les locaux mêmes de la chaîne saoudienne, situés en face du ministère des Affaires étrangères. Il couvrait alors une manifestation organisée par des milices, réclamant l’adoption de la très controversée loi sur l’isolement politique qui vise à exclure de la vie politique des anciens responsables en poste sous le régime du dictateur déchu Mouamar al-Qadhafi. Il a été détenu pendant près de sept heures pendant lesquelles il a été battu à plusieurs reprises et menacé de mort tout au long de son incarcération. Mahmoud Al-Farjani avait déjà reçu de nombreuses menaces liées à sa profession avant cet enlèvement. Au même moment, un journaliste irakien et un technicien turc de l’agence de presse turque IHA ont été enlevés par un autre groupe armé, à priori sans lien avec celui responsable de l’enlèvement de Al-Farjani. Ils ont été relâchés au bout de quelques heures sans avoir été maltraités. Ce même jour, le siège de la télévision nationale Al-Wataniya a également été occupé par des milices armées pendant plusieurs heures. Le 22 avril dernier, l’ancien journaliste et responsable du bureau d’information de l’état civil de Benghazi, Yousef Gargoum, a été kidnappé par une milice armée après une émission de radio sur Al-Manar, où il dénonçait des irrégularités patentes dans les registres de Benghazi. Yousef a été séquestré pendant 3 jours, pendant lesquels il a été torturé, sévèrement battu et électrocuté, comme il le raconte dans une interview à la journaliste Mabrouka al-Masmari. Il a été libéré le 25 avril et directement transféré à l’hôpital pour se faire soigner. Il a toutefois choisi de quitter rapidement l’hôpital, craignant pour sa vie dans un espace aussi peu protégé. Reporters sans frontières tient à réitérer l’importance du rôle que les acteurs médiatiques jouent au sein de toute société démocratique, rappelant que le droit à l’information demeure crucial à l’établissement d’un nouvel Etat libyen démocratique, transparent et pluraliste. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a rappelé dans son observation générale n°34 que ““la liberté d’opinion et la liberté d’expression sont des conditions indispensables au développement complet de l’individu. Elles sont essentielles pour toute société. Elles constituent le fondement de toute société libre et démocratique. Les deux libertés sont étroitement liées, la deuxième constituant le véhicule pour l’échange et le développement des opinions”.
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Mise à jour le 20.01.2016