Election présidentielle : Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ont répondu à Reporters sans frontières sur la situation de la liberté de la presse en France

Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ont répondu à la lettre que Reporters sans frontières avait adressée, le 16 mars dernier, à tous les candidats à l'élection présidentielle française. L'organisation leur avait demandé de prendre des engagements concrets pour mieux protéger la liberté de la presse en France, y compris dans le domaine d'Internet, et le pluralisme de l'information. Parallèlement, Reporters sans frontières a lancé une campagne de communication pour attirer l'attention des Français sur la situation de la liberté de la presse dans leur pays. Ce visuel représente une marianne au visage tuméfié et barrée du slogan : "Franchement elle l'a cherché". La campagne, déclinée sous forme d'affiches 80x120 disposées dans Paris à partir du 16 avril, insiste sur la mauvaise position de la France (35e sur 168) dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Questions posées par Reporters sans frontières et synthèse des réponses des candidats Secret des sources
Si vous êtes élu(e) président(e) de la République, vous engagez-vous à inscrire le droit à la protection des sources dans la loi du 29 juillet 1881 et à l'appliquer à toutes les personnes qui mènent un travail d'information ? Vous engagez-vous à étendre aux domiciles des journalistes les dispositions relatives aux perquisitions dans les entreprises de presse ? Les deux candidats se sont prononcés en faveur d'un renforcement de la protection du secret des sources (déjà garantie par l'article 109 du code de procédure pénale) et de l'inscription de ce droit dans la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Ils sont également d'accord pour étendre au domicile des journalistes indépendants les dispositions relatives aux perquisitions dans les entreprises de presse ("présence d'un magistrat qui veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession de journaliste", article 56-2 du code de procédure pénale). Recel de violation du secret de l'instruction
Vous engagez-vous à vous prononcer publiquement contre l'utilisation de la notion de "recel de violation du secret de l'instruction" pour engager des poursuites contre des journalistes ? Nicolas Sarkozy a indiqué que "l'équilibre entre ces deux principes fondamentaux (la liberté de l'information et la présomption d'innocence) n'est pas satisfaisant" et proposé de "renforcer ou compléter les diverses chartes déontologiques existantes". Pour Ségolène Royal, "l'usage fait aujourd'hui par les parquets de la notion de 'recel de violation du secret de l'instruction' (...) a été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme". La candidate socialiste s'engage à "modifier les textes existants sur ce point de manière que l'usage abusif de cette notion contre la presse ne puisse plus être possible". Droit à l'image
Vous engagez-vous à revoir l'article 226-1 du code pénal en prévoyant une peine mieux proportionnée au préjudice subi par la victime et à chercher le moyen de mettre fin à l'avalanche de plaintes au civil pour des atteintes au droit à l'image ? Le candidat de l'UMP a reconnu que le "régime actuel n'est pas pleinement satisfaisant" et qu'il fallait prévoir que "l'action en justice pour revendiquer le droit à l'image soit subordonnée à la preuve d'un agissement fautif et d'un réel préjudice". Ségolène Royal estime qu'avant de "revoir l'article 226-1 du code pénal", il faut qu'une "large concertation ait lieu avec les professionnels de la presse afin de trouver un nouvel équilibre, garanti par la loi, entre indispensable protection de la vie privée et du droit à l'image et conditions normales d'exercice du métier de journaliste". Concentration des médias et pluralisme de l'information
Quelle est votre position sur la concentration des médias et quelles propositions faites-vous pour garantir à la fois l'indépendance des rédactions et le pluralisme de l'information en France ? Etes-vous favorable à l'adoption de dispositions interdisant à des groupes vivant massivement des commandes de l'Etat de posséder une majorité - voire une minorité de blocage - dans les médias d'informations générales ? Ségolène Royal a pour objectif "de faire émerger un nouveau dispositif de contrôle en mesure d'assurer la diversité des contenus et un pluralisme réel qui pourrait s'appuyer sur la définition d'un seuil d'audience à déterminer, à ne pas dépasser pour un groupe audiovisuel". Selon Nicolas Sarkozy, "la situation actuelle est satisfaisante dans ses grands lignes, même si elle n'exclut pas des adaptations". Le candidat de l'UMP s'est dit prêt à reprendre certaines pistes ouvertes par le rapport rédigé sur ce sujet, en 2005, par Alain Lancelot, ancien membre du Conseil constitutionnel. Ségolène Royal s'est prononcée, par ailleurs, pour une modification du mode de nomination des membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), afin de renforcer son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Nouveaux délits de presse et "lois mémorielles"
Vous engagez-vous à mettre un terme à la création de nouveaux délits de presse et à ne pas multiplier les lois mémorielles qui peuvent, à la longue, avoir des conséquences néfastes pour la liberté d'expression ? Pour Mme Royal, "la liberté de la presse doit être préservée, mais les propos négationnistes sur les génocides ne doivent pas être tolérés". Nicolas Sarkozy "approuve les lois qui existent aujourd'hui et qui sont des fondements solides (...) contre toute haine de l'autre". Il pense également "qu'il n'appartient pas aux responsables politiques de se substituer aux historiens". Un label pour les médias en ligne
Vous engagez-vous à rouvrir un processus consultatif sur l'épineuse question des labels sur Internet ? Vous engagez-vous à refuser la création d'une commission de déontologie pour les contenus en ligne si ses attributions, son fonctionnement et le mode de désignation de ses membres ne sont pas plus clairement définis ? Selon Ségolène Royal, le projet de décret sur la création d'une commission de déontologie des services de communication en ligne "donne des compétences trop larges, et surtout mal définies à cette commission". La candidate socialiste précise que le périmètre des compétences de cette commission est trop large et que ses attributions doivent être précisées. Elle appelle à un débat public sur cette question qui touche à la fois à la liberté d'expression et à la responsabilité des acteurs de l'Internet. Nicolas Sarkozy se prononce pour une concertation "la plus large possible". La diffusion d'images de violences par les blogeurs et la lutte contre le phénomène du "happy slapping"
Vous engagez-vous à revoir les dispositions contenues dans la loi du 13 février 2007 sur la prévention de la délinquance afin d'éviter des recours abusifs à la loi qui pourraient porter préjudice à la libre circulation d'informations sur Internet ? Ségolène Royal décrit "un bon exemple de législation bâclée, rédigée dans l'improvisation et pour afficher une posture de fermeté". "Soucieuse d'empêcher la propagation du 'happy slapping' ", la candidate socialiste insiste sur le fait que cette disposition devra être revue si, "comme le pensent de nombreux juristes, elle interdit aux non-journalistes de diffuser des vidéos ou des photos montrant des violences sur personne, même si ces actes sont commis par les forces de police". Selon Nicolas Sarkozy, "l'esprit de la loi n'a pas pour objet de porter atteinte à la liberté de l'information". "Toutefois, ajoute le candidat de l'UMP, si le moindre doute subsistait à cet égard, je serais favorable à une clarification de la loi". La responsabilité des entreprises qui travaillent dans le domaine d'Internet
Vous engagez-vous à demander aux entreprises françaises d'adopter un "code de conduite volontaire", comme celui proposé par le Parlement européen, et à prendre publiquement position en faveur d'un engagement éthique des entreprises du secteur des nouvelles technologies qui travaillent dans des pays ne respectant pas la liberté d'expression ? Nicolas Sarkozy pense que "rien, et surtout pas le profit, ne justifie que l'on ferme les yeux sur les atteintes aux libertés fondamentales qui restent commises si fréquemment dans le monde". Ségolène Royal souscrit aux "principes énoncés dans la résolution sur la liberté d'expression sur Internet adoptée, en juillet 2006, par le Parlement européen". Elle ajoute que "l'adoption de 'code de conduite volontaire' pour 'mettre des limites à l'activité des entreprises dans les pays répressifs' est un première étape". Téléchargez les réponses intégrales des candidats


Téléchargez la lettre adressée aux candidats par Reporters sans frontières
Téléchargez le visuel de la campagne "Franchement elle l'a cherché"
La France 35e au classement mondial pour la liberté de la presse 2006 : téléchargez les explications
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016