Egypte

Nom de domaine : .eg
Population : 83 082 869
Internautes :17 060 000
Prix moyen d’une heure de connexion dans un cybercafé : environ 0,15 centime d’euro
Salaire mensuel moyen : 36 euros
Nombre de net-citoyens emprisonnés : 1 Internet est devenu un espace de mobilisation et de contestation. Si le blocage de sites demeure limité, les autorités tentent de reprendre la main face à des blogueurs de plus en plus organisés. Populaire et puissant La blogosphère a connu un développement vertigineux ces dernières années, parallèlement au programme de développement du secteur des technologies de l'information initié par le régime. L'Egypte connaît l'un des meilleurs taux de pénétration d'Afrique, même si elle reste loin derrière certains pays du Moyen-Orient. La compagnie de télécom égyptienne, Telecom Egypt, a toujours le monopole des lignes fixes. Une connexion est souvent partagée par plusieurs individus. Telecom Egypte possède le fournisseur d'accès TE Data qui contrôle plus de la moitié du marché. Les blogueurs et net-citoyens utilisent ce formidable potentiel d'Internet pour dénoncer les abus des droits de l'homme. C'est sur Internet que l'un des principaux scandales de la décennie a été dévoilé : suite à la diffusion, par le blogueur Wael Abbas, de vidéos de tortures dans des commissariats, les fonctionnaires de police impliqués ont été arrêtés et inculpés. Le moteur de la contestation Les manifestations qui ne peuvent se tenir dans les rues, en raison de l'état d'urgence, se transforment en mobilisation en ligne relayée par les réseaux sociaux. Les appels au changement dans la société connaissent un écho particulier sur Facebook. En 2008, des blogueurs avaient soutenu une grève qui s'est tenue le 6 avril au nord du Caire, à Mahalla, siège de l’usine de textile la plus importante du pays. Quand le 6 avril a été déclaré jour de “colère” en 2009 par des militants, le mot s'est transmis via SMS à des milliers de personnes en quelques jours. Des jeunes gens, jusque-là non politisés, ont dénoncé les abus commis par le pouvoir ou les problèmes sociaux qui les touchent, comme l’augmentation du coût de la vie. Certains ont commencé à bloguer pour imiter des personnalités rendues célèbres par leur activisme, telles que Wael Abbas. Le 6 avril est devenu une date symbolique, un rendez-vous annuel incontournable pour les contestataires. L'émergence de ces nouveaux dissidents fait peur aux autorités. Le régime se sent obligé de répliquer pour stopper le mouvement en invoquant le maintien de l'ordre. Des blogueurs mobilisés mais harcelés En 2008, plus de 500 d’entre eux ont été arrêtés pour ”atteinte à la sécurité nationale”, principalement en vertu de la loi d'état d'urgence. La répression a continué en 2009 et les détenus sont souvent victimes de mauvais traitements. La plupart ont été libérés depuis, mais deux blogueurs sont actuellement incarcérés. Depuis janvier 2009, une plainte par jour en moyenne est déposée contre un journaliste ou un blogueur. Les poursuites judiciaires sont engagées à l'initiative des autorités, mais aussi de l'armée ou d'entreprises privées. Le blogueur Abdel Kareem Nabil Suleiman, dit “Kareem Amer”, est toujours derrière les barreaux. Il fait figure de bouc émissaire. Arrêté en novembre 2006, Kareem Amer a été condamné à trois ans de prison pour “insulte au président” et à un an pour “incitation à la haine de l’islam“ en raison d’un commentaire laissé sur un forum Internet. Il dénonçait régulièrement sur son blog les dérives autoritaires du gouvernement et critiquait les plus hautes institutions religieuses du pays. Un autre blogueur a été emprisonné dans des conditions très particulières. Ahmed Abdel Fattah Mustafa a comparu le 1er mars 2010 devant une cour martiale pour des commentaires postés sur son blog début 2009 faisant état d’une affaire de favoritisme dans une école militaire. C'est pourtant un civil. Détenu au secret pendant plusieurs jours, cet étudiant était accusé de "publication de fausses nouvelles" sur l’armée et "tentative de dégradation de la confiance du peuple envers les forces armées". Il a finalement été relâché le 7 mars après avoir publié des excuses sur son blog. Le blogueur Tamer Mabrouk a, quant à lui, été condamné en mai 2009 à verser 45 000 livres égyptiennes (environ 5 700 euros) pour “diffamation” et “outrage” suite à une plainte déposée par l’entreprise Trust Chemical Company, accusée de pollution dans l’un de ses articles. Wael Abbas, considéré comme l’un des blogueurs les plus emblématiques du pays, est victime d'un véritable harcèlement judiciaire destiné à le réduire au silence. Une stratégie visiblement vouée à l'échec. Suite à de nombreuses dénonciations internationales, la peine de six mois de prison ferme prononcée contre lui en novembre 2009 a été annulée en appel en février 2010. Dans une affaire montée de toutes pièces par les autorités, il avait été reconnu coupable de dégradation d’un câble Internet. Poursuivi par ailleurs par Télécom Egypt, le blogueur a écopé en février 2010 d’une autre peine de six mois de prison et d’une amende pour “utilisation illégale” de sa connexion Internet, qu’il est accusé d’avoir partagé avec d’autres utilisateurs. Preuve de l'influence de ces blogueurs et militants : lorsqu'une vingtaine d'entre eux se rendent en janvier 2010 dans la ville de Nag Hammadi, en Haute-Egypte, afin d'y rencontrer, par solidarité, les familles des six Coptes tués dans une fusillade, la police les attend de pied ferme. Ils ont été renvoyés vers le Caire par le premier train. Les autorités craignaient qu'”ils n'enflamment l'opinion publique et n'appellent à des manifestations”, dans un contexte de tensions confessionnelles que les autorités tenteraient, selon les habitants de Nag Hammadi, d'étouffer. Net-citoyens sous surveillance Depuis le début de 2007, le gouvernement a renforcé la surveillance de la Toile au nom de la lutte contre le terrorisme, sous la houlette d'un département spécial au sein du ministère de l'Intérieur. Facebook est surveillé plutôt que bloqué, afin d'identifier les militants qui doivent être observés ou arrêtés. Les autorités surveillent les e-mails et les appels téléphoniques de leurs concitoyens sans décision judiciaire, en vertu de la loi sur les Télécommunications qui impose aux fournisseurs d'accès de mettre à leur disposition les services et équipements de surveillance nécessaires. Depuis 2008, les conditions d’utilisation du réseau Internet sans fil (WiFi) ont changé. La connexion est non seulement devenue payante, mais elle nécessite également une adresse e-mail à laquelle sont envoyés le mot de passe et le nom d’utilisateur. Les compagnies de téléphonie mobile sont contraintes d'obtenir les données personnelles de leurs clients pour pouvoir leur vendre leurs services. L'anonymat est menacé. La surveillance est aussi présente dans les cybercafés, très fréquentés par la population. Les autorités font souvent pression sur les gérants pour obtenir l'accès aux données personnelles des internautes qui les intéressent. Certains cafés demandent à leurs clients de présenter leurs papiers en échange d'un code PIN pour accéder au Net, mais leur nombre reste limité. L'Egypte n'a pas mis en place de politique de filtrage du Web. Un tribunal administratif en 2007 a rejeté la demande d'un juge de bloquer une quarantaine de sites, en évoquant le besoin de défendre la liberté d'expression. Quelques sites “djihadistes” sont parfois temporairement bloqués. Cependant, en mai 2009, un tribunal du Caire a ordonné au gouvernement égyptien de bloquer l'accès aux sites pornographiques jugés choquants pour les valeurs religieuses et sociales du pays. Il faudra attendre le résultat de l'appel et la réaction des autorités pour voir si ce jugement introduit un système de filtrage d'Internet en Egypte. Mais le ministre de la Communication et des Technologies de l'Information a pour le moment exclu publiquement cette option. Les blogueurs sont sortis victorieux de leurs derniers démêlés avec les autorités : un projet du ministère des Communications prévoyait en 2009, d'après l’Arabic Network for Human Rights Information (ANHRI), de limiter les téléchargements mensuels des individus à 2 GB de capacité pour une vitesse de 264 kb/s. Il s'agissait de mieux contrôler la diffusion des informations, notamment des vidéos. En octobre 2009, les net-citoyens ont appelé à un boycott du web au cours d'une campagne surnommée “la révolution des internautes”. Le ministère a finalement fait marche arrière face au tollé suscité par cette initiative. Il a reconnu que “les connexions Internet illégales ne sont pas le problème, c'est plutôt l'usage de plus en plus courant d'Internet qui pose problème”. De tels propos laissent présager que le bras de fer entre les autorités et les blogueurs est loin d'être terminé, alors qu'une nouvelle mobilisation devrait voir le jour le 6 avril prochain. Liens : http://www.idsc.gov.eg/ : site du Centre d’information et de décision (anglais et arabe)
http://www.hrinfo.net : site de l’association HRInfo, défenseur des droits de l’homme dans le monde arabe (anglais et arabe), membre du réseau des organisations partenaires de Reporters sans frontières.
http://misrdigital.blogspirit.com/ : blog de Wael Abbas (arabe principalement. Quelques articles en anglais)
http://www.karam903.blogspot.com : blog de Kareem Amer (arabe)
Publié le
Updated on 20.01.2016