Deux caricaturistes risquent la prison

Le 22 janvier 2008, deux caricaturistes, Musa Kart et Zafer Timuçin, ont été entendus dans les bureaux du procureur de la République de Sisli à Istanbul. Ils risquent cinq ans de prison pour « insulte au président de la République » à la suite de la publication de deux dessins dans le quotidien Cumhuriyet. « Nous dénonçons les poursuites judiciaires abusives dont font l'objet les deux caricaturistes et rappelons que cette affaire n'est pas sans précédent en Turquie », a déclaré Reporters sans frontières. La première caricature incriminée, celle de Musa Kart, a été publiée dans le quotidien Cumhuriyet le 28 novembre 2007. Elle évoque l'influence du président Abdullah Gül sur les affaires de son fils de 16 ans dans le commerce du maïs, et le représente sous les traits d'un épouvantail dans un champ. La caricature de Zafer Timuçin, publiée le 29 novembre dernier, représente le Président, sortant d'une enveloppe envoyée à un prince arabe. Ce dernier avait passé ses vacances dans la cité balnéaire de Bodrum sous la protection de gendarmes qui avaient reçu 5 000 dollars pour ce travail. Timuçin fait dire à Abdullah Gül : “Votre Excellence, voici l'argent que les gendarmes vous rendent et moi, la rose qui vous est offerte pour que les relations entre nos pays ne se détériorent pas.” Les deux caricaturistes risquent jusqu'à 5 ans et 4 mois de prison en vertu de l'article 299 du code pénal turc. Cet article, en vigueur depuis le 1er juin 2005, stipule que « quiconque insulte le Président est passible de un à quatre ans de prison. La peine sera augmentée d'un sixième si le délit est commis ouvertement et d'un tiers s'il est commis par des médias. » D'après les déclarations du secrétariat de la République, le 24 janvier 2008, « la procédure a été lancée à partir du ministère de la Justice » et il n'y aurait aucun obstacle à la tenue d'un procès. Au cours des deux dernières années, Musa Kart et trois autres caricaturistes ont déjà fait l'objet de poursuites engagées par le Premier ministre. Les tribunaux turcs lui avaient alors recommandé « de faire preuve de générosité à l'égard de l'humour ».
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Mise à jour le 20.01.2016