Deux ans de prison pour des journalistes qui ne reprennent pas le discours officiel du régime de Sissi

Le gouvernement égyptien prévoit des mesures légales contre les journalistes qui ne reprennent pas le discours officiel dans leur couverture des attentats, selon un nouveau projet de loi liberticide dont le contenu a été diffusé aux médias le dimanche 5 juillet. Si elle était adoptée, cette loi viendrait accentuer la dérive autoritaire du régime à l’encontre de la liberté d’information.

En raison du contexte sécuritaire critique dans le Sinaï, tout journaliste qui relayerait une source différente de celle de l’armée risque la prison, une déportation ou une assignation à résidence. Un journaliste qui ne reprendrait donc pas les chiffres officiels concernant le bilan de morts dans les couvertures d’attentats commet une infraction pénale. C’est ce qui risque d’arriver si la nouvelle loi anti-terroriste est approuvée par le président Abdel Fatah Al-Sissi dans les prochains jours. Alors que les prisons regorgent de journalistes injustement détenus, le régime intensifie sa répression contre la liberté de la presse en invoquant des arguments sécuritaires, pour protéger le pays des “fausses informations”. “Cette loi, si elle est adoptée, impose une autocensure automatique pour les journalistes qui sont déjà harcelés par les autorités sous des prétextes fallacieux dès lors que leur couverture porte préjudice au gouvernement, déclare Alexandra El Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient & Maghreb au sein de l’organisation. Le régime va trop loin dans la répression des libertés fondamentales au nom de la lutte contre le terrorisme et le projet de loi va à l’encontre des garanties constitutionnelles de janvier 2014. Le travail même du journaliste est menacé puisque ce dernier doit pouvoir solliciter des sources différentes et engager un débat public. RSF demande au gouvernement de reconsidérer ce projet de loi et de modifier les dispositions concernant la presse.” L’article 33 du projet de loi stipule que toute personne qui publie de fausses informations concernant des opérations terroristes contredisant les communiqués officiels risque deux ans de prison. Les articles 26, 27, 29 et 37 sont également dangereux en raison des propos vagues employés : toute personne qui diffuse des informations incitant même indirectement à la violence ou à la préparation d’actes terroristes, visant à nuire aux autorités sécuritaires, ou portant sur les actions terroristes à l’intérieur ou l’extérieur du pays risque également la prison. Il est interdit également de couvrir les procès terroristes sans autorisation sous peine de payer une amende. Ce projet de loi contesté par le syndicat des journalistes apparaît au lendemain de la couverture médiatique lors des attaques meutrières, revendiquées par le groupe Etat islamique, contre des soldats égyptiens dans le Sinaï, le 1er juillet dernier. Les médias ne s’accordaient pas sur le nombre de morts, 21 selon un porte-parole de l’armée. Cette situation affecterait le moral du pays, selon le ministre de la Justice Ahmed Al-Zind. Le président avait promis une législation plus dure après l’attentat à la voiture piégée au Caire qui avait causé la mort du procureur général Hicham Barakat, le 29 juin dernier. L’Egypte est l’une des plus grandes prisons au monde pour les journalistes en 2015. Aujourd’hui, au moins une dizaine de journalistes sont injustement emprisonnés pour avoir exercé leur mission d’information. La situation de la liberté d’information s’est nettement dégradée depuis l’accession de Sissi au pouvoir. L’Egypte se situe à la 158e place du Classement mondial 2015 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
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Mise à jour le 20.01.2016