Deux ans de prison pour avoir couvert le Hirak : “ la justice algérienne aux ordres croit à tort qu’il est possible de mettre un mouvement populaire dans une cocotte-minute et de fermer le couvercle. “

A la suite de la condamnation en appel à deux ans de prison ferme du journaliste Khaled Drareni, Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision d’une justice aux ordres qui contribue à dégrader l’image de l’Algérie et ne fait que renforcer le statut de symbole du journaliste indépendant.

 

Le journaliste Khaled Drareni a été condamné en appel à deux ans de prison ferme à Alger. Une peine légèrement inférieure à sa condamnation initiale, mais qui maintient le journaliste en prison.


IMGQui est Khaled Drareni, le symbole de la liberté de la presse en Algérie?LIRE ICINous sommes scandalisés par l’entêtement aveugle des juges algériens, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Le maintien en détention de Khaled est la preuve d’un enfermement du régime dans une logique de répression absurde, injuste et violente. En dissuadant la couverture journalistique du Hirak, une justice algérienne aux ordres croit à tort qu’il est possible de mettre un mouvement populaire dans une cocotte-minute et de fermer le couvercle. C’est une stratégie vaine, explosive, qui sape la légitimité de ceux qui la mettent en oeuvre.


Cette décision aura des conséquences non négligeables sur l'image de l'Algérie, estime également RSF et son secrétaire général: " La répétition de décisions iniques renforce le statut de symbole de ce journaliste indépendant. Khaled était un poil à gratter ? Il est désormais une épine dans le pied du régime” a écrit Christophe Deloire sur son compte twitter.


Le 10 août dernier, le directeur du site d’information en ligne Casbah Tribune, et correspondant de TV5 Monde et RSF en Algérie avait été condamné en première instance à trois ans de prison de ferme et 50 000 dinars algériens d’amende (environ 330 €) pour “incitation à attroupement non armé et atteinte à l’unité nationale”. Lors du procès en appel, qui s’est tenu le 8 septembre dernier à Alger, le procureur avait requis la même peine qu’en première instance, à savoir quatre ans de prison ferme.


La justice algérienne a condamné Khaled Drareni pour “atteinte à l'intégrité du territoire national” sur la base de deux publications sur les réseaux sociaux. Il lui est notamment reproché d’avoir publié le message suivant  :  “Ce système se renouvelle sans cesse et refuse le changement, lorsque nous appelons à la liberté de la Presse, on nous répond par la corruption et l’argent, l’argent n’achète pas tout. Vive la liberté de la Presse”.


Il a aussi été reproché au journaliste d’avoir relayé sur sa page Facebook, deux communiqués appelant à la grève générale et au boycott des élections. Khaled Drareni a toujours affirmé n’avoir fait que relayer des  informations.


Khaled Drareni était aussi poursuivi pour n’avoir “aucun document officiel délivré par les autorités compétentes pouvant prouver sa qualité de journaliste” et  d’avoir “perçu une rémunération pour des services fournis à un médias étranger, TV5, sans présenter de preuve de son accréditation légale en tant que correspondant”. Le journaliste et sa défense ont fait valoir qu’il n’avait eu jamais eu auparavant besoin de telles accréditations. Khaled Drareni, âgé aujourd’hui de 40 ans, est journaliste professionnel depuis 2004.


Khaled Drareni est incarcéré depuis le 29 mars au centre pénitentiaire de Koléa, près d’Alger. Lors de son procès en appel, il est apparu très amaigri et physiquement affaibli. Craignant pour sa santé, ses comités de soutien -national et international avaient lancé un appel commun à sa libération immédiate et inconditionnelle.


L'Algérie figure à la 146e place sur 180 du Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a perdu cinq places par rapport à 2019 et 27 par rapport à 2015. 

Publié le
Mise à jour le 15.09.2020