De Rabat à Manama, le printemps arabe continue, la répression aussi

Alors que le Bahreïn et l’Arabie saoudite font essentiellement obstacle à la liberté d’informer par des procédés techniques (brouillage satellitaire, coupure du Net, etc.), le Yémen et la Syrie continuent leur plongée dans la violence. Au Maroc également, plusieurs personnes couvrant les manifestations pro-démocratiques ont été malmenées.

BAHREIN

La chaîne de télévision satellitaire Lualua TV, lancée à Londres le 17 juillet 2011, par quinze activistes de l’opposition bahreïnie, fait l’objet de brouillages constants depuis le premier jour de sa création et ce, malgré son changement régulier de fréquence. D’après Eutelsat, le brouillage serait orchestré depuis le Bahreïn. Lualua TV devait lancer ses programmes depuis le Bahreïn, mais s’est vu refuser, à plusieurs reprises, l’autorisation. Elle parvient encore à diffuser sur le satellite Hotbird. Dans un communiqué de presse publié le 24 juillet dernier, le directeur de la chaîne, Yasser Al-Sayegh, a déclaré: “A lot of hard work has gone into this channel and we are extremely disappointed that we have had trouble broadcasting our message. It comes as no surprise that the source of the jamming is Bahrain, it is as we had expected. We have followed all regulations in the creation of this station and we will not allow this set back to stop us from broadcasting permanently. We are hoping that the interference has now ended, but if it returns we will just have to find other ways to reinforce our message.”

ARABIE SAOUDITE

Les autorités saoudiennes bloquent le site Internet du journal Al-Akhbar, pour sa couverture des événements au Bahreïn, et notamment de l’intervention militaire saoudienne. Par ailleurs, Amnesty international a dénoncé, le 26 juillet dernier, le fait que son site Internet avait été rendu inaccessible depuis l’Arabie saoudite, suite à la publication, par l’organisation, de commentaires critiquant le projet de loi anti-terroriste. Ce projet vise à contenir l’influence des révoltes arabes dans le pays. (http://www.dw-world.de/dw/article/9799/0,,15265803,00.html). S’il était adopté, les autorités pourraient poursuivre toute personne soupçonnée de critiquer le roi ou le prince héritier. Les critères utilisés, volontairement vagues, laissent place à l’arbitraire, restreignant encore plus la liberté d’expression et de la liberté de presse dans le royaume. Reporters sans frontières, comme de nombreuses organisations internationales au cours des jours derniers, exhorte les autorités saoudiennes à abandonner ce texte contraire aux engagements internationaux du pays. Mis au tiroir depuis 2003, il a de nouveau été proposé suite aux révoltes dans plusieurs pays du monde arabe. L’Arabie saoudite, considérée comme un des “Ennemis d’Internet” par Reporters sans frontières, bloque plus de 1200 sites Internet (liste: http://www.albayan.ae/24-hours/2011-07-28-1.1479040)

SYRIE

Le blogueur Firas Al-Karad a été arrêté, le 31 juillet, à Deraa. Il avait déjà été arrêté en mars dernier et torturé. Sont toujours en détention: - Mohamed Tahan Jamal, membre de la Ligue des écrivains arabes et du Syndicat des journalistes, signataire de l’”Appel d’Alep pour la nation”, arrêté le 20 juillet dernier ; - Abd Al-Majid Tamer et Mahmoud Asem Al-Mohamed, journalistes indépendants travaillant pour des sites d’information kurdes, arrêtés par les forces de sécurité le 31 mai 2011 ; - Omar Kousch, arrêté le 1er mai 2011 à l’aéroport international de Damas alors qu’il rentrait d’une conférence en Turquie ; - Anas Al-Ma’arawi, journaliste, blogueur et fondateur du premier site en arabe spécialisé dans le système Androïd, arrêté le 1er juillet dans la banlieue de Damas ; - Manaf Al Zeitoun, arrêté le 25 mars 2011. L’organisation reste sans nouvelles de lui ; - Mohamed Nijati Tayara, écrivain et membre de la Ligue des droits de l’homme, arrêté le 12 mai à un barrage de sécurité et accusé d’avoir divulgué de fausses informations. La cour pénale de Homs a finalement abandonné les charges qui pesaient contre lui après la seconde amnistie accordée par les autorités le 21 juin. Son dossier a été transféré à la cour de cassation de Damas, qui ne s’est toujours pas exprimée à son sujet. Après avoir entamé une grève de la faim avec d’autres prisonniers pour protester contre leur incarcération, Mohamed Nijati Tayara a vu son état de santé se dégrader, sans avoir accès aux soins appropriés. Seuls sa femme et son avocat sont autorisés a lui rendre visite une fois par semaine.

MAROC

Le journaliste Hassan Bourah a été agressé à Geulmim (sud-ouest du pays), le 31 juillet au soir. Frappé au ventre et au visage, insulté, il aurait été victime de menaces. Son téléphone portable et sa carte de presse lui auraient été confisqués. Quatre hommes l’auraient forcé à monter dans une voiture pour le déposer loin des manifestations qu’il couvrait, l’abandonnant hors de la ville. Le blogueur Khaled Nasser, 26 ans, originaire d’Agadir, a été sévèrement blessé à la tête le 17 juillet 2011 (voir vidéo: http://www.youtube.com/watch?v=ZXrmPDGy5Tk&feature=related), alors qu’il filmait une manifestation, inspirée du mouvement du 20 février, pour ses blogs (http://www.alfotowa.blogspot.com/ http://khalidaitnasser.blogspot.com/ et http://khalidpress.ektob.com/) et le site “Web Agapress” (http://www.agapress.com/). Le blogueur est membre de l'Association des blogueurs marocains. Une page de soutien Facebook a été créée pour le net-citoyen (https://www.facebook.com/solidaritekhalidaitnasser?ref=ts). Mounir Al-Kataoui, journaliste au quotidien marocain Al-Watan Alan, a également été agressé, à Casablanca, le 29 mai 2011, alors qu’il photographiait et filmait une manifestation, équipé d’un badge “presse” accroché à sa veste. Violemment frappé au visage, il a dû être transporté à l’hôpital. La police a tenté d’endommager son appareil photo. Ses lunettes ont été cassées. Le blogueur Mohamed Benba (http://www.mohamedbn.blogspot.com), 17 ans, résidant à Agadir, et le journaliste en ligne Bachir Lamti, 28 ans, animant le site web Sahara Press, auraient quant à eux été victimes de tentatives d’intimidation. Mohamed Benda a été menacé le 10 juillet 2011 lors d’une marche à Agadir organisée par le mouvement du 20 février. Après avoir posté des vidéos des manifestations sur sa chaine Youtube, des agents de la Direction de la surveillance du territoire seraient venus dans son lycée pour le mettre en garde. Bachri Lamti a été agressé par un agent de police le 17 juillet 2011, à Geulmim, pendant la couverture d’une manifestation qu’il tentait de filmer. Il a été frappé et insulté.

YEMEN

Au Yémen, les exactions contre les journalistes sont quotidiennes, tout comme les confiscations de journaux indépendants. Le rédacteur en chef du journal Akhbar Aden a été enlevé, le 25 juillet dans la soirée, par trois individus qui l’ont conduit en voiture dans un endroit éloigné après lui avoir bandé les yeux. Ils l’ont libéré vers 4 heures du matin, après l’avoir insulté et roué de coups. Le 25 juillet, des miliciens à la solde du régime batajias, ont violemment pris à partie les deux fils du vice rédacteur en chef du journal Al-Mithaq et porte-parole de la Conférence populaire générale Yahia Nouri. Le même jour, Sofiane Faishi, journaliste pour le journal officiel Al-Thawra, et correspondant pour le journal Akhbar Al-Youm et d’autres publications locales, qui a été l’un des tous premiers journalistes à annoncer son soutien au mouvement de contestation populaire, a été agressé dans le quartier de Habra dans la capitale. Le présentateur de la chaîne satellitaire officielle Yemeniya, Yasser Al-Mou’alimi, a échappé à une tentative d’assassinat, le 21 juillet dernier. Des inconnus ont ouvert le feu sur sa voiture, alors qu’il rentrait à son domicile. Blessé au pied, le journaliste a été transféré à l’hôpital. Il est également connu pour avoir exprimé son soutien au mouvement de contestation populaire. Les forces de sécurité du gouvernorat de Taëz ont confisqué les exemplaires de l’hebdomadaire indépendant Al-Ahali, parus le 19 juillet dernier, ainsi que les copies du quotidien indépendant Akhbar Al-Youmi des 19 et 20 juillet, en provenance de Sanaa. Le rédacteur en chef du journal du Parti démocratique, qui a été récemment créé, Mahmoud Al-Hajiri, a quant à lui reçu des menaces téléphoniques. Par ailleurs, cinq hommes armés ont attaqué, le 20 juillet dans l’après-midi, le siège de l’hebdomadaire indépendant Al-Nada’, à Sanaa, à la recherche de l’équipe de rédaction, notamment son propriétaire et rédacteur en chef, Sami Ghaleb. Ils ont fait irruption de la sorte trois jours de suite. Le siège du journal est fermé depuis plusieurs semaines, et la publication du journal interrompue en raison de problèmes de sécurité rencontrés par ses collaborateurs, et de la confiscation potentielle de ses exemplaires.
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016