De la prison pour avoir dénoncé le scandale de la mélanine

Reporters sans frontières demande la libération immédiate de l'activiste Zhao Lianhai (赵连海), arrêté depuis novembre 2009 et condamné le 10 novembre 2010 à deux ans et demi de prison pour avoir créé un site Internet d'information et de mobilisation ("Kidney Stone Babies") sur le scandale du lait contaminé par la compagnie Sanlu, en Chine. Zhao Lianhai a fait appel de la décision de justice et a entamé une grève de la faim. Une fois de plus, les autorités s'en prennent à des citoyens qui tentent via Internet de faire progresser l'Etat de droit. Il s'agit là encore d'une illustration des effets criminels de la censure. Zhao Lianhai, qui mériterait plutôt la reconnaissance des autorités pour son engagement, doit être relâché immédiatement. Une cour chinoise à condamné l'activiste Zhao Lianhai à deux ans et demi de prison pour "incitation au désordre social". Il avait dénoncé sur son site l'enrichissement du lait en protéines par la mélamine, un composant du plastique et des engrais, très toxique pour la santé, provoquant notamment des calculs rénaux. En Chine, 300 000 enfants ont été contaminés et en 2008, 50 000 enfants ont été hospitalisés. Au moins 6 nouveau-nés sont décédés. Zhao Lianhai appelait sur son site les familles à se rassembler pour intenter une action collective (class action) afin de punir les responsables de ce scandale de santé publique. Zhao Lianhai, lui même père d'un petit garçon intoxiqué par le lait contaminé, a déjà passé près d'un an en prison. Historique des révélations sur le scandale L'affaire du lait contaminé était connue depuis décembre 2007 des autorités, qui avaient étouffé le scandale afin de préserver leur image à l'approche des Jeux olympiques de Pékin de 2008. Dès juillet 2008, He Feng, journaliste d'investigation d'un hebdomadaire du sud du pays, avait collecté des informations précises sur le lait mélaminé. Mais le Département de la propagande chinois avait imposé une interdiction de publier des informations négatives sur les scandales alimentaires, avant et pendant les Jeux olympiques. Dans une liste de 21 sujets interdits, le point 8 concernait explicitement les affaires de santé publique, déclarant que "tous les sujets liés à la sécurité alimentaire, comme l'eau minérale causant des cancers, sont en dehors des limites autorisées". L'affaire n'avait été rendue publique qu'en septembre 2008, la censure ayant eu un effet désastreux pour la santé de dizaines de milliers de nouveau-nés en Chine et dans d'autres pays où les produits étaient exportés. De nombreux enfants ont été intoxiqués car les journalistes et les chercheurs n'ont pas pu en informer le public. Certains protagonistes de l'affaire ont cependant été jugés. Deux personnes ont été condamnées à la peine de mort et l'une des responsables de l'entreprise Sanlu a été condamnée à la prison à vie. Le gouvernement chinois a prétendu avoir mis au point un "fond de compensation" pour les enfants contaminés, mais beaucoup n'étaient pas éligibles selon les critères définis. D'autres blogueurs emprisonnés Alors que le prix Nobel de la paix, Lui Xiaobo (刘哓波), continue de purger sa peine de 11 ans de prison, la condamnation de Zhao Lianhai semble s'inscrire dans la prolongation de la politique de censure systémique du gouvernement chinois. De nombreux défenseurs de l'environnement, militants contre le SIDA ou avocats de sujets sensibles sont en effet poursuivis ou condamnés dans le pays. Des net-citoyens dénonçant des sujets dans l'intérêt du public se retrouvent injustement emprisonnés. Ainsi, le 9 février 2010, Tan Zuoren, blogueur, a été condamné à cinq ans de prison pour "incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat" pour ses critiques sur la fragilité des bâtiments scolaires ayant entraîné la mort de nombreux enfants lors du tremblement de terre au Sichuan. Il publiait également des articles contre le gouvernement et contre la répression du mouvement étudiant du 4 juin 1989, également dans le Sichuan. Huang Qi, fondateur du blog 64tianwang et militant des droits de l'homme, a été condamné le 23 novembre 2009 à trois ans de prison pour "possession illégale de secrets d’Etat". En réalité, il avait également relaté les conditions de vie de certaines victimes du tremblement de terre et dénoncé l'inaction de l'Etat. Comme le rappelle Li Fangping, avocat de Zhao Lianhai, ces hommes n'ont fait que leur devoir de citoyens et ce dans l'intérêt général. La Chine fait partie des "Ennemis d'Internet", selon Reporters sans frontières, et se place 171e sur 178 dans le classement mondial de la liberté de la presse. 31 journalistes et 75 net-citoyens sont actuellement emprisonnés dans le pays. Le fils de Zhao Lianhai Le fils de Zhao Lianhai, contaminé par le lait, manifeste pour la libération de son père. Sur sa pancarte: "Papa, je t'aime".
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Updated on 20.01.2016