Corée du Sud

Près de 90% des foyers sud-coréens ont un accès au web via la meilleure infrastructure du réseau au monde. Cependant, soucieux d'assurer le maintien de l'ordre en période d'agitation sociale, le gouvernement tente de renforcer la surveillance. Il emploie des moyens parfois disproportionnés et un arsenal législatif liberticide qui incitent les net-citoyens à l'autocensure. Tout cela au nom de la lutte contre la diffusion de “fausses informations”. Les nouveaux médias ont une influence considérable sur la société, la culture et la politique. Des blogueurs très indépendants sont suivis chaque jour par des centaines de milliers de personnes et les forums de discussion bourdonnent d'activité. Le journal en ligne ohmynews.com publie des articles rédigés par de simples net-citoyens. Il est réputé pour avoir influencé des élections et a été pris en grippe par le gouvernement conservateur qui tente de faire taire ses critiques. Le contrôle du Net en réaction à l'agitation sociale et à la critique des autorités Le président Lee Myung-bak a clairement évoqué, en juin 2008, sa méfiance vis-à-vis de la Toile : “Si la confiance n'est pas garantie, la force d'Internet peut empoisonner au lieu de guérir.” Le gouvernement tentait alors de faire face à la vague de manifestations liées au scandale de la viande bovine importée des Etats-Unis. Des manifestations provoquées, selon elles, par les internautes, via le célèbre forum de discussion Agora, devenu la bête noire du gouvernement. Les autorités utilisent la criminalisation de la diffamation contre leurs critiques et n'hésitent pas à faire des exemples : depuis juin 2008, une dizaine d'internautes ont été brièvement arrêtés et interrogés pour avoir posté en ligne des commentaires négatifs liés à ces manifestations. Le célèbre blogueur Minerva a appris à ses dépens que le gouvernement place la protection des marchés financiers avant la défense de la liberté d'expression. En 2007, Minerva a été arrêté pour avoir "affecté les échanges économiques au sein des marchés” ainsi que “la crédibilité de la nation”, en raison des articles qu’il avait publiés sur le forum de discussion de Daum, l’un des plus importants portails du pays. Le gouvernement lui reprochait ses critiques de sa politique économique et l'annonce de la chute du won. Accusé de “diffusion de fausses informations”, celui qui est surnommé “président de l’économie sur Internet” depuis sa prédiction de l'effondrement de Lehman Brothers, risquait jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 50 millions de Won (27 000 euros). Il a été acquitté en avril 2009, mais le procureur a fait appel. Une affaire à suivre. Un filtrage sélectif La Corée du Sud bloque une quarantaine de sites Internet qui font l'apologie du régime de Pyongyang, ainsi que des sites de paris en ligne ou incitant au suicide. En vertu de la loi sur la sécurité nationale, tout individu qui soutient publiquement la Corée du Nord peut être accusé d'activité “anti-étatique” et risque jusqu'à sept ans de prison. Cette loi s'applique aussi bien aux médias traditionels qu'aux médias en ligne. Les blocages sont appliqués par les fournisseurs d'accès sur ordre d'une autorité administrative, la Commission coréenne des communications, qui assure également une surveillance du web. Des lois trop sévères L'article 47 du Code des télécommunications rend illégale la “diffusion de fausses informations avec l'intention de nuire à l'intérêt public”. Tout contrevenant risque jusqu'à cinq ans de prison. La loi électorale a été modifiée en 2004 pour interdire la diffusion par Internet de propos diffamants envers des politiciens en campagne électorale. Le code pénal, et notamment les provisions contre l'insulte et la diffamation, même pour des propos avérés, est aussi utilisé contre les internautes (article 307). L'article 44-7 de la Loi sur la promotion de l'utilisation des réseaux d'information et de communication et la protection de l'information interdit l'échange de communications électroniques qui compromettent la sécurité nationale ou se révèlent diffamatoires, même si le contenu est vrai. L'anonymat compromis L'article 44-5 de cette même loi impose aux internautes de s'enregistrer sous leurs véritables noms et de donner leur numéro de carte d'identité lorsqu'ils participent à des portails de plus de 100 000 membres. En revanche, seul le pseudonyme des usagers apparaît en ligne. YouTube a refusé d'appliquer cette mesure. Dès lors, depuis avril 2008, les utilisateurs de YouTube qui déclarent qu’ils sont basés en Corée ne peuvent pas télécharger leurs vidéos sur le site. Depuis février 2009, l'un des principaux portails Internet du pays, Nate, demande aux internautes d'afficher leur véritable nom pour pouvoir laisser des commentaires. Malgré les pressions constantes du gouvernement, les net-citoyens sud-coréens sont très actifs et prêts à se mobiliser en ligne via les forums et les sites de discussion. En s'obstinant dans cette politique de surveillance excessive, le gouvernement prend le risque de s'aliéner une partie de la population, mais aussi des investisseurs potentiels. Les règles drastiques d'enregistrement et de surveillance des internautes sont considérées par des sites internationaux tels que YouTube, Facebook et Twitter comme un handicap pour pénétrer le marché sud-coréen.
Publié le
Updated on 20.01.2016