Cinq journalistes agressés durant les manifestations contre le projet minier Conga

Au lendemain du décret gouvernemental instaurant l’état d’urgence, le 4 juillet 2012, dans trois provinces du pays, lieux d’une vaste contestation contre l’exploitation minière, cinq journalistes ont été agressés et blessés. De telles violences sont, pour beaucoup, imputables aux groupes d’intervention de la police engagés dans une très sévère répression. Elles relèvent aussi, parfois, de manifestants mécontents de la couverture journalistique donnée aux événements. “Une enquête administrative et pénale contre certains graves excès de la police s’impose sans attendre l’issue négociée du conflit. L’état d’urgence, qui signifie notamment l’interdiction de tout rassemblement, ne saurait excuser des atteintes caractérisées au travail d’information des journalistes présents. Une telle information est en soi nécessaire. La réponse policière ne saurait occulter le débat qu’elle génère dans l’opinion publique”, a déclaré Reporters sans frontières. L’état d’urgence a été reconduit par le gouvernement d’Ollanta Humala à l’issue d’une journée d’affrontements au cours de laquelle trois manifestants ont trouvé la mort et vingt-et-un autres ont été blessés. La situation n’a connue aucune accalmie depuis. Dans la journée du 5 juillet à Cajamarca, le directeur du quotidien local El Mercurio Ramiro Sánchez a reçu des coups de matraque de la police. Peu après, une bombe lacrymogène jetée en direction d’un groupe de confrères a blessé le photographe Frank Chávez Silva, a fait savoir l’Institut Presse et Société (IPYS, organisation régionale de défense de la liberté de la presse). Contacté par Reporters sans frontières, le correspondant de l’IPYS à Cajamarca Luis Chillón a souligné l’“énorme risque” pour la profession que comporte la couverture de ce conflit. A Celendín, nous dit-il, les échanges de tirs permanents obligent certains collègues au confinement. Après l’arrestation de l’un des leaders de la protestation anti-minière, Marco Arana, un groupe d’intervention rapide (GIR) de la police a répondu par des coups à trois journalistes venus aux nouvelles : Francisco Landauri Miranda, reporter de la chaîne ATV et son cameraman Néstor Galazar Mandujano, ainsi que Yudith Cruzado Lobato, journaliste de Radio Programas del Perú (RPP). Les craintes pour l’environnement, en particulier les ressources en eau, expliquent la très forte opposition au projet Conga d’exploitation de mines d’or, dont la participation majoritaire revient à la compagnie nord-américaine Newmont Mining Co. Le projet avait déjà été suspendu en 2011 suite à des manifestations locales. La polémique prend, cette fois, une envergure nationale et même internationale. Reporters sans frontières constate une fois de plus le danger encouru par les journalistes et observateurs de terrain appelés à couvrir ce type de conflits sociaux et environnementaux. Cette situation s’est déjà vérifiée, sous diverses formes, au Chili, au Panama, en Colombie ou encore en Bolivie.
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Mise à jour le 20.01.2016