Cinq ans après le coup d’État, l’information toujours muselée par le gouvernement hondurien

Cinq ans après le coup d’État du 28 juin 2009, Reporters sans frontières s’inquiète de la situation critique de la liberté de l’information au Honduras. À la répression et la censure des premiers mois, ont succédé quatre ans au cours desquels les atteintes aux droits humains et aux médias ont été une constante. En cinq ans, la situation de la liberté de l’information s’est fortement dégradée au Honduras. L’actuel président de la République Juan Orlando Hernández, fervent défenseur de la “sécurité par tous les moyens”, a durant ses quatre ans à la présidence du Parlement fait voter une série de lois visant à renforcer la militarisation de la société et des mécanismes de contrôle qui affectent directement l’accès à l’information. Cette crispation sécuritaire empêche de nombreux médias et institutions de récolter et de diffuser des informations d’intérêt public. La directrice de l’Observatoire de la violence de l’Université nationale autonome du Honduras (Unah), Migdonia Ayestas, déplore le fait que la police empêche la diffusion dans les médias des informations sur les agressions, meurtres et autres formes de violence qu'elle recense chaque jour, notamment dans les zones reculées. Par ailleurs, l’Observatoire s'est récemment vu contraint de suspendre la publication du rapport mensuel sur le niveau de violence dans le pays, tâche qu'il assurait depuis neuf ans, lorsque le secrétariat à la Sécurité (ministère de l'Intérieur) a refusé de lui partager ses données. Le droit des citoyens à être informés est, en outre, compromis par la Loi sur les secrets officiels et la classification de l’information publique, adoptée à la hâte par le Congrès, le 13 janvier 2014. L’Institut d’accès à l’information publique (IAIP) chargé d’établir la classification de certaines données d’intérêt public est privé de son rôle, désormais laissées à la discrétion de chaque administration d’État. La loi stipule que que “toute information (...) relative au cadre stratégique interne des entités de l’État et dont la révélation pourrait produire des effets institutionnels indésirables si elle était publiquement disponible” peut être “réservée”. La reprise en main opérée par les institutions gouvernementales sur la circulation de l’information se répercute directement sur le travail des journalistes. Selon Marylin Méndez ou le rédacteur en chef du quotidien La Prensa, Dagoberto Rodríguez "aucun membre de l’exécutif n’accepte de parler aux journalistes sans autorisation préalable de la présidence". Ce dernier dénonce "une obstruction claire à la presse sérieuse et professionnelle.". Les obstacles rencontrés par les journalistes jouissant d'un statut professionnel stable, se révèlent insurmontables pour ceux qui opèrent dans des conditions bien plus précaires. Pour les radios locales ou les journalistes indépendants – qui constituent la majorité des médias – les pressions s'exercent aussi à travers une distribution discrétionnaire de la publicité à ceux qui, poussés par la nécessité, accepteront de se limiter à transmettre une information officielle et uniformisée. "Il est évident que lorsqu’on a faim, on est prêt à accepter ce qui est disponible", se plaint un journaliste. Cette pratique est bien connue au Honduras sous le nom de "presse tarifée" qui permet à quiconque en a les moyens de "se payer un journaliste" pour diffuser des informations servant ses intérêts particuliers. Cette situation et le monopole exercé par les grands consortiums médiatiques laissent peu d'espace à la diffusion d'information indépendante et critique. Il n'est donc pas rare que la répression contre les mouvements sociaux vise également les radios communautaires, qui en sont souvent l'émanation. Le contrôle de l’information autour de sujets sensibles comme les conséquences environnementales de l’extraction minière, les affaires touchant à la corruption des forces de l'ordre ou les conflits agraires s'exerce avec d'autant plus de force lorsque sa diffusion menace des intérêts économiques puissants, comme c’est le cas pour la Corporation Dinant, propriété du prédateur de la liberté de la presse Miguel Facussé Barjum. À la suite des dénonciations répétées d’organisations nationales et internationales de défense des droits de l'homme et de médias indépendants de l'implication de son entreprise dans la mort violente de centaines de paysans dans la vallée de l'Aguán, une enquête du Compliance Advisor Ombudsman (CAO) a ordonné le gel d'un prêt de 15 millions de dollars octroyé à Dinant par la Banque mondiale. Reporters sans frontières déplore que cette petite avancée n'ait pas recueilli le soutien au plus haut niveau de l’État. Il serait souhaitable que le gouvernement s'emploie à faire respecter la liberté de l’information en protégeant les journalistes et collaborateurs des médias indépendants comme privés et publics, avec la même énergie que celle déployée récemment par le président du Honduras pour dénigrer certains de ses compatriotes. Lors d'un voyage à Washington le 12 juin dernier, il s'était donné pour principale mission de réfuter les rapports sur les atteintes aux droits de l'homme que de "mauvais Honduriens" envoient pour salir l'image du pays. Le Honduras est 129e sur 180 pays au Classement mondiale de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016